Discours du président - 4 juillet 2024 - Université Bordeaux Montaigne

Vie institutionnelle

Discours du président - 4 juillet 2024

Le président, Alexandre Péraud, qui prononce son discours à l'occasion du pot traditionnel de fin d'année universitaire

À l'occasion du pot traditionnel de fin d'année universitaire, qui s'est tenu dans le patio du bâtiment Rosa Bonheur, jeudi 4 juillet 2024, le président Alexandre Péraud a prononcé un discours à l'adresse de tous les personnels et étudiants présents.

Discours 4 juillet 2024, prononcé à l'occasion du pot de la présidence

Chères et chers collègues, chères étudiantes et chers étudiants,

Je suis très heureux de vous accueillir pour notre traditionnelle cérémonie estivale qui nous permet, chaque année, de lever notre verre avant que les uns et les autres ne prennent un repos salutaire, mais aussi de rendre hommage aux collègues qui prennent leur retraite.

Nous voici donc arrivés au bout d’une année importante pour notre établissement.

Une année importante, bien sûr, parce qu’elle correspondait au renouvellement des conseils et à l’élection d’une nouvelle équipe présidentielle qui est en grande partie réunie autour de moi. Que Morgane Leroux et les équipes de la direction générale des services soient remerciées d’avoir permis le bon déroulement de ces scrutins et d’avoir administré l’établissement au fil de ces longues semaines électorales.

Une année importante, aussi, parce qu’elle marque le quasi-achèvement des travaux qui plusieurs années durant ont perturbé notre fonctionnement mais qui nous permettront de vivre dans un environnement plus agréable. Je tiens à adresser tous mes remerciements aux services qui ont suivi le chantier ainsi qu’à Lionel Larré et à son équipe pour la supervision des travaux. Je leur adresse également des remerciements plus généraux pour le travail qu’ils ont assuré quatre années durant.

Nous nous retrouverons donc à la rentrée dans des locaux et des espaces rénovés, ce qui nous réjouit toutes et tous, mais, il faut bien le souligner d’emblée, nous nous retrouverons dans un environnement politique à cette heure très incertain.

Vous me permettrez de parler franchement, sans m’abriter derrière quelque obligation de neutralité.

Notre pays traverse une crise politique inquiétante puisque les responsabilités gouvernementales pourraient, dimanche soir ou lundi, être confiées, pour la première fois depuis 1940, à un gouvernement d’extrême-droite, à un parti affichant explicitement les principes de préférence nationale et de rejet des minorités, mettant ouvertement en cause les libertés fondamentales.

Pour les membres de la communauté universitaire que nous formons, cette perspective est plus que préoccupante.

Elle est effrayante parce que le Rassemblement national promeut un projet qui entend limiter la liberté de la science (on l’a vu sur le climat, sur les droits des personnes, les droits LGBT…). Or l’université ne peut vivre sans ces principes fondamentaux que sont la liberté académique, les libertés d’information, d’expression et de pensée. C’est notre oxygène, c’est aussi l’oxygène de la société.

Préoccupante encore, parce que le Rassemblement national clame sa méfiance et son rejet des « étrangers ». Or, à l’Université Bordeaux Montaigne, comme dans toutes les universités françaises, les mêmes droits sont garantis pour tous les étudiants et les savoirs sont produits, transmis et diffusés librement. Il en va d’une position de principe, mais il en va également de la ferme croyance que nos formations et notre recherche s’enrichissent de la présence et du travail de collègues et d’étudiantes et étudiants étrangers dont les perspectives culturelles nous nourrissent.

Que se passerait-il demain, si la préférence nationale et l’exclusion des binationaux étaient mise en œuvre ? Karin Sion serait-elle exclue de son poste de vice-présidente CA ? Cecilia Gonzalez devrait-elle abandonner ses fonctions de vice-présidente déléguée aux ressources et relations humaines ? Destituerait-on Jane Sadran de ses responsabilités auprès de Frédéric Hoffmann ? Et, côté recherche, refuserait-on l’ERC dont nous sommes fiers au motif qu’elle est portée par un collègue italien ? Et telle directrice d’un service central, tel directeur d’une Maison des Sciences de l’Homme devraient-ils être remerciés ?

Je n’aurais pas le mauvais goût de poursuivre cette énumération. Chacun pourra le faire en mesurant toute l’absurdité d’une préférence nationale qui est une injure à l’esprit universitaire. Cette préférence nous conduirait à trahir l’esprit des Lumières en refusant l’inscription en thèse à des étudiantes et étudiants au prétexte qu’ils sont africains, sud-américains ou de toute autre partie du monde. Elle nous amènerait à bafouer l’humanisme de Montaigne en fermant nos portes à ces étudiantes et étudiants réfugiés, exilés ou déplacés que la CLEFF et le DEFLE accueillent depuis 2017.

Nos principes de partage du savoir et de dialogue entre les cultures, d’ouverture à l’autre, ces valeurs que l’on croit acquises à tout jamais, il nous faut les défendre.

Au fond, cela nous ramène à une interrogation fondamentale. Que peut et que doit faire une université pour faire vivre ces principes et lutter contre une idéologie toxique ?

Nous pouvons signer des tribunes et nos conseils l’ont récemment fait. Nous pouvons parler dans les médias et nous continuerons de le faire.

Mais il faut aussi et surtout œuvrer, avec nos moyens propres, la recherche et la formation, pour bâtir une société plus compréhensive, ouverte à la complexité du monde et pour former des citoyennes et des citoyens éclairés. Il en va de notre capacité à déployer les savoirs critiques, mission dont nous avons beaucoup parlé au cours de la campagne sans deviner à quel point cet impératif pourrait être d’actualité.

Cet impératif donne d’autant plus de valeur au label Sciences avec et pour la société (SAPS) que notre université a obtenu vendredi dernier. Je remercie Caroline le Mao dont le travail d’ensemblière nous a permis de décrocher cet appel à projet. Le label SAPS nous permettra de déployer des dispositifs pour proposer à un public élargi non seulement des contenus scientifiques, mais également pour diffuser la méthode et l’esprit critique dont sont porteuses les SHS. Il est de ce point de vue très important de sortir de nos murs et d’aller sur le terrain, dans les lycées ou les tiers-lieux des villes moyennes. Cette présence territoriale figurait dans notre programme et nous sommes désormais plus convaincus encore de la nécessité de nous adresser aux jeunes des territoires, notamment ruraux, pour lutter contre des sentiments d’exclusion ou de relégation dont il suffit de regarder les cartes électorales pour mesurer les effets politiques. Et, de manière plus générale encore, le contexte politique nous conforte dans l’idée qu’il faut repenser notre offre de formation afin qu’elle puisse, tout en satisfaisant à nos exigences académiques, répondre aux défis d’une société qui ne maintiendra sa cohésion que si elle intègre les valeurs d’inclusion, de responsabilité et d’équité. De ce point de vue, il faut ériger la réussite étudiante en priorité. Parce que c’est notre mission première d’enseignant, bien sûr, mais aussi parce qu’elle est la condition du vivre ensemble. Aussi mettrons-nous tout en œuvre pour, qu’au côté des mesures pédagogiques, l’accompagnement des étudiants continue à être renforcé, sur les plans social et sanitaire, y compris et surtout sur le plan de la santé mentale qui est une cause nationale.

Ce vivre ensemble que le contexte national nous invite à penser de manière globale est aussi un enjeu pour notre communauté. Notre université est une communauté où se jouent les mêmes débats, les mêmes dissensus que dans la société globale. Ces désaccords peuvent s’exprimer de manière vive voire virulente, mais nous devons savoir organiser le débat de telle sorte que la concorde soit maintenue. Si nous, à l’université, ne parvenions pas à le faire, nous pourrions nous inquiéter pour notre société.

Cette « cité universitaire » est, avec ses composantes, ses catégories, ses hiérarchies, un monde de diversités et de sensibilités dont il convient de maintenir l’équilibre. Cela passe d’abord par une action déterminée en faveur de la sérénité collective, sérénité qui implique que nous poursuivions et améliorions les dispositifs de lutte contre les VSS, que nous amplifions les mesures en faveur de l’égalité femme-homme. Des propositions concrètes seront faites à la rentrée en ce sens de même que nous ferons aboutir, sans doute en partenariat avec Sciences Po et l’INP une solution de médecine du travail. Le vivre ensemble passe également par une attention quotidienne qui va de la qualité de notre environnement – avoir des locaux rénovés, certes, mais propres et fonctionnels – à la restauration. Et s’il n’est pas encore possible de créer une vraie cantine, nous étendrons l’offre de restauration qui a été mise en place pour les personnels tout en poursuivant la réflexion sur les rythmes et la restauration étudiante. Cette attention passe enfin par une réflexion de fond sur nos conditions de travail et nos modes d’organisation. C’est la raison pour laquelle nous lancerons à l’automne une conférence sociale pour travailler collectivement, avec les partenaires sociaux et les organisations représentatives, les questions relevant de la mobilité et de la formation internes, des statuts et rémunérations, autant d’enjeux qui seront éclairés par la réalisation d’une nouvelle cartographie des emplois. Nous souhaitons, tout en respectant nos marges de manœuvre budgétaire, que notre travail soit mieux reconnu. Il en va par exemple, côté BIATSS, de l’indemnitaire que nous continuerons à améliorer, mais aussi, côté Enseignants, de la rémunération des mémoires que nous mettrons en œuvre à la rentrée. Et ceci se prolongera par une refonte du référentiel horaire (REH), pour que les tâches que nous accomplissons soient plus équitablement et plus justement rétribuées.

Tous ces chantiers vont dans le sens d’une qualité de vie qui correspond bien sûr aux attentes légitimes de toutes et tous mais qui est aussi la condition pour que nous puissions pleinement nous consacrer aux missions de transmission auxquelles toutes et tous, chacun et chacune à notre place, nous contribuons. Et je vous sais convaincus que ces missions sont porteuses, plus que jamais, de sens et d’avenir.

Je vous remercie pour votre engagement et vous souhaite à tous et toutes de bonnes vacances.

Alexandre Péraud
Président de l’Université Bordeaux Montaigne

footer-script