Interview de Chiara Battisti, professeure invitée à l'Université Bordeaux Montaigne - Université Bordeaux Montaigne

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Interview de Chiara Battisti, professeure invitée à l'Université Bordeaux Montaigne

En avril 2024, l’Université Bordeaux Montaigne a eu le plaisir de recevoir en tant que professeure invitée Chiara Battisti, maître de conférences en littérature anglaise à l’Université de Vérone, en Italie. Lors de son séjour à l’université, Chiara Battisti s’est prêtée au jeu des questions. Voici son témoignage.

Entretien avec Chiara Battisti

Pouvez-vous vous présenter ?

Je m’appelle Chiara Battisti, je suis maître de conférences en littérature anglaise au Département des Langues et Littératures Etrangères, à l’Université de Vérone, en Italie. J’enseigne plus particulièrement la littérature américaine et anglaise.

Quel est votre domaine de recherche ?

Mes domaines de recherche comprennent à la fois l’intermédialité, les études de mode, le genre, les handicaps et la loi, la littérature et la culture dans les domaines de la littérature américaine, canadienne et britannique. J’ai écrit de nombreuses publications sur ces sujets-là, dont des travaux récents, tels que The Routledge Campanion to Literatures and Crisis (co-édité avec Julia Kuznetski et Silvia Pellicer, volume à venir), une édition spéciale du journal Leaves paru dans Suspicion (2024, co-édité avec Pascale Antolin), ou bien le monographe Tailoring identities in Victorian Literature (2023).

Sur quel projet de recherche travaillez-vous actuellement ?

Mon projet de recherche actuel porte sur la représentation de la maladie d’Alzheimer dans différents genres littéraires et formats de médias et sur l’analyse critique sur la manière dont les auteurs exploitent les caractéristiques de chaque genre afin de plonger les lecteurs dans la maladie, leur permettant d’expérimenter les fragments de souvenirs, la désorientation, la confusion, mais également les moments de clarté et de consciences, en lien avec la maladie d’Alzheimer. En tant que trouble neuro-dégénératif complexe et progressif, Alzheimer a été mis en lumière dans la littérature, les films ou bien la télévision. Ces dernières années, nous avons pu assister à un essor notable des explorations littéraires et cinégraphiques de cette maladie, qui s’est accompagné d’un intérêt accru de la part des académiques. De plus en plus ces représentations explorent non seulement des récits sur l’anxiété contemporaine liée à l’âge et au vieillissement mais elles examinent aussi les problématiques de politiques culturelles de la représentation de l’identité et le concept de la « perte de soi » inhérente à la maladie d’Alzheimer. Malheureusement, beaucoup de représentation ne parviennent pas à défier les constructions majoritairement occidentales, réduisant ainsi les malades à des « zombies » ou des « morts-vivants ». Ce stigma provient des idéologies liées à la biomédecine occidentale qui définit le statut d’une personne selon ses capacités cognitives, marginalisant ainsi les individus atteints d’Alzheimer. Cependant, des études interculturelles proposent des perspectives alternatives, révélant ainsi diverses perceptions culturelles et sociales qui mettent l’accent sur la nécessité de repenser les discours médicaux traditionnels. Alors que ceux-ci s’appuient sur la déficience de la maladie d’Alzheimer et sa sévérité, les nouvelles perceptions présentent des constructions différentes de « handicap », qui supposent des répercussions positives sur le comportement social envers les personnes souffrant de cette maladie.

La littérature contemporaine et les travaux cinématographiques sur Alzheimer s’efforcent d’illustrer la continuité de la personnalité en dépit de la perte de mémoire, en mettant l’accent sur la persistance de la personnalité préexistante. De plus, les histoires graphiques émergent comme des plateformes pour déconstruire les idées socio-culturelles et biomédicales occidentales. Au cours de la dernière décennie, des artistes graphiques et auteurs internationaux ont produits des récits graphiques abordant la maladie d’Alzheimer, demandant une analyse critique visant à recadrer les perceptions de cette maladie.

Ces analyses critiques ont fortement contribué à l’empathie collective envers les personnages atteints de démence, amenant ainsi à une compréhension plus profonde de leur comportement. Ils représentent un état de l’art important de mon projet. Au-delà de ça, mes travaux de recherche visent à analyser les stratégies narratives et stylistiques ainsi que les topoi spécifiques aux différents genres, en explorant la façon dont les auteurs les utilisent ou les déconstruisent afin d’offrir des représentations nuancées de la maladie d’Alzheimer.

Sur quel sujet spécifique avez-vous travaillé durant votre séjour ? Avec qui ?

Pendant mon séjour, j’ai travaillé sur la nouvelle Turn of mind de l’écrivaine Alice LaPlante. Plus spécifiquement, mon analyse est centrée sur la façon dont LaPlante déconstruit le topos de la fiction policière postmoderne pour immerger les lecteurs dans l’expérience du protagoniste et de sa maladie d’Alzheimer. J’ai pour objectif d’explorer comment l’autrice utilise les techniques narratives pour retranscrire la désorientation du protagoniste, permettant ainsi les lecteurs à être empathique face à la profonde « confusion », symptôme caractéristique de la maladie.

J’ai travaillé avec Pr. Pascale Antolin, professeure en études américaines, qui m’a invitée à l’Université Bordeaux Montaigne. Notre partenariat est né de nos travaux de recherche de longue date et de notre collaboration, facilité par des mobilités Erasmus+ d’enseignement réciproques et des participations communes à de nombreuses conférences. Notre principal focus repose dans l’exploration de la maladie dans les fictions littéraires américaines, canadiennes et britanniques, ainsi que, plus largement, sur la dimension narrative et culturelle pertinentes dans ces traditions littéraires.

Quels ont été les moments clefs (événements ou activités) de votre séjour ?

Sans hésiter, il y a deux moments clefs lors de mon séjour à l’Université Bordeaux Montaigne, à savoir les présentations à venir où je partagerai mes projets de recherche. J’attends avec impatience ces présentations et retours prometteurs, offrant un point de vue intéressant et une nouvelle perspective pour enrichir mon projet de recherche. De plus, j’ai eu déjà eu le plaisir de faire connaissance avec plusieurs collègues que j’estime beaucoup, du groupe de recherche CLIMAS. Participer à des conférences qu’ils ont organisées m’a donné une force précieuse pour de profondes réflexions et mes futurs projets.

Par ailleurs, je considère que c’est un privilège d’échanger directement et presque quotidiennement avec Pr. Antolin. Après des années à échanger par mail ou visioconférences par Zoom, ces interactions directes et personnelles amplifient sans doute aucun l’échange des idées, promouvant ainsi la recherche académique.

Quels sont les avantages/points forts d’être professeur invité ?

Dans l’ensemble, je pense que le rôle d’un professeur invité présente de nombreux avantages, dont la possibilité d’explorer et de gagner de la visibilité sur de nouvelles perspectives, méthodologies et approches dans son propre champ d’études. De plus, cela facilite la mise en relation entre collègues et potentiels collaborateurs venant d’horizons et de cultures différents. Cela offre la possibilité de s’engager dans des discussions qui ont du sens, que ce soit au travers d’échanges informels ou des dialogues plus structurés, autour de sujets de recherche charnières d’intérêts communs.

En plus de cela, la mise en place de réseaux créé également de nouvelles opportunités pour des programmes conjoints et des programmes d’échanges d’étudiants entre les universités respectives. Plus spécifiquement, et au niveau personnel, mon expérience en tant que professeure invités à l’Université Bordeaux Montaigne.

Est-ce la première fois que vous participez à un programme de professeur invité ? Si non, où avez-vous été ?

Oui, c’est la première fois en tant que professeure invitée et je dois dire que je trouve de réels et puissants bénéfices sur le plan intellectuel et personnel. Cette expérience me motive à envisager dans le futur des opportunités similaires.

Comment comptez-vous maintenir les liens avec vos collègues de l’Université Bordeaux Montaigne ?

Comme précédemment mentionné, cette expérience en tant que professeure invitée a renforcé une collaboration déjà active. Avec Pascale Antolin, nous avons déjà des projets en tête, qui concernent à la fois la co-organisation de conférences (la prochaine étant en Italie l’année prochaine) et le développement de programmes académiques conjoints entre nos deux universités.

L’Université de Vérone, située au cœur de la Vénétie, au nord-est de l’Italie, a été fondée en 1982 et comprend 13 départements, couvrant de nombreux domaines d’études et de recherche tels que la biotechnologie, l’informatique, l’économie, le droit, la médecine mais également la philosophie, la psychologie, les langues ou bien la littérature étrangère. De nombreuses langues sont d’ailleurs enseignées dans ce dernier département, à savoir l’anglais, le français, l’allemand, le chinois, le russe, le portugais brésilien et le catalan. Grâce à son interdisciplinarité et aux perspectives internationales à la fois pour les étudiants et le personnel, dans le domaine de la formation et de la recherche, le département des Langues et Littératures Etrangères a plusieurs fois été reconnu comme Département d’Excellence par l’Agence nationale italienne pour l’évaluation de l’université et du système de recherche (ANVUR), et cette année pour un projet de développement interdisciplinaire dans les humanités inclusives appliquées aux langues et littératures étrangères.

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