Le 6 novembre 2025
Mis à jour le 14 octobre 2025
Le 6 novembre 2025, la Bibliothèque Rigoberta Menchú accueille deux conférences animées par les professeures taïwanaises MEI Chia-Ling et SHEN Tung (Université nationale de Taïwan). Un après-midi de réflexion et de culture, entre histoire, musique et identité organisé par le Centre d’études et de recherches sur l’Extrême-Orient (CEREO)
Le jeudi 6 novembre 2025, de 14h à 18h - Bibliothèque Rigoberta Menchú (Salle Tramway)
13h30 : accueil des participants
14h00 : Conférence de Mme MEI Chia-Ling (en chinois avec interprétation consécutive en français), "Nation, langue et littérature dans un monde en mutation : réflexions contemporaines sur les idées véhiculées sur la langue et la littérature par quatre anthologies universitaires des années 1940 destinées à l’enseignement du chinois en tant que langue nationale"
Pause café
16h00 : Conférence de Mme SHEN Tung (en chinois avec interprétation consécutive en français), "La tradition de la cithare chinoise selon Robert Van Gulik et son imaginaire de l'univers des lettrés chinois"
Au cours de cette conférence prenant pour thèmes la langue et la littérature chinoises dans un monde en mutation, nous analyserons quatre anthologies universitaires de chinois des années 1940 – l’anthologie établie par Guo Shaoyu pour l’université Yenching, l’Anthologie universitaire de chinois compilée par le ministère de l’Éducation, le manuel de chinois de l’université nationale associée du Sud-Ouest et l’Anthologie universitaire de chinois standard : l’écrit et l’oral de l'université nationale de Taïwan établie dans les années ayant suivi la Seconde Guerre mondiale. Nous explorerons la manière selon laquelle la langue et la littérature chinoises ont été affectées par le concept de « nation » au cours de cette période troublée, se trouvant propulsées au cur des conflits mettant aux prises nationalisme, imaginaire culturel, idéologie et mesures politiques. Nous commencerons par revenir sur le mouvement ayant conduit à la création à l’université, à partir de la fin de la dynastie des Qing, de la matière du chinois en tant que « langue nationale », ainsi que sur l’évolution, sous différents aspects, de l’usage de la langue classique et de celui de la langue vernaculaire. Puis nous parlerons de la création dans le Japon de l’ère Meiji des matières de « langue et littérature nationales », dont on s’est inspiré en Chine, pour montrer que l’enseignement d’une langue ne se limite pas à favoriser l’apprentissage de son écriture, de sa grammaire et de son vocabulaire, mais vise aussi à opérer des choix sur la manière de transmettre une culture et de façonner un récit national. Nous verrons que si le nationalisme permet de coaliser les ressources d’une nation en stimulant la mobilisation de sa population, il contribue également à réduire le dynamisme et la diversité de sa langue et de sa littérature. Pour finir, nous nous efforcerons de transcender ces limites propres au cadre national pour livrer quelques réflexions au sujet de l’enseignement contemporain du « chinois langue étrangère ».
Le sinologue néerlandais Robert Van Gulik (1910-1967) est une figure légendaire de la sinologie. Diplomate de profession, il fut premier secrétaire à l'ambassade des Pays-Bas en République de Chine, à Chongqing, pendant la Seconde Guerre mondiale, avant d'être nommé ambassadeur des Pays-Bas au Japon après la guerre. Son intérêt marqué pour ces deux pays le conduisit parallèlement à devenir, au fil des circonstances, un véritable érudit, spécialisé dans les cultures orientales – en particulier chinoise et japonaise. Son uvre comprend, outre des romans, des ouvrages abordant des thèmes aussi divers que la religion, la calligraphie, la peinture, les pierres à encre, la musique ou encore les estampes et gravures érotiques. Elle allie à la rigueur de la recherche académique le raffinement d’une pensée littéraire, témoignant de l’immense talent de son auteur. Van Gulik est aujourd'hui considéré comme l’un des cents « visiteurs étrangers » les plus influents en Chine ces cent dernières années.
Robert Van Gulik était un passionné de la cithare chinoise à sept cordes (« gqín » en chinois), terme qu'il traduisit improprement par « luth »), instrument dont il jouait lui-même et dont il connaissait la longue histoire. En 1938, alors qu’il n’avait pas encore trente ans, il publia un ouvrage intitulé The Lore of the Chinese Lute : An Essay in the Ideology of the Ch’in (La Tradition du luth chinois : essai sur l'idéologie du Ch’in), une étude de la cithare chinoise qui fit date. Rédigé en anglais, cet ouvrage revêt par sa pertinence historique une importance considérable dans les milieux universitaires chinois et occidentaux spécialisés dans l'étude de la musique chinoise, dans la mesure où il permet d’évaluer la manière dont un Occidental a pu percevoir le guqin.
Cette conférence a pour thèmes principaux Robert Van Gulik et son ouvrage sur la tradition de la cithare chinoise à sept cordes. Nous commencerons par présenter cet instrument, et expliquerons le rôle irremplaçable qu'il joue depuis les temps les plus anciens dans la vie des lettrés chinois. Nous aborderons ensuite le sujet de l’influence des « visiteurs étrangers » en Chine, en nous intéressant à trois sinologues ayant étudié la cithare chinoise sous des angles différents, parmi lesquels Robert Van Gulik, avant de revenir sur le processus d’apprentissage de cet instrument par ce dernier et sur l’écriture de son ouvrage. Puis nous parlerons du contenu de l’ouvrage et des controverses qui ont pu l’entourer. Enfin, nous reviendrons sur le contexte historique dans lequel s'est inscrit l’écriture de ce livre. Nous en décrypterons la stratégie d’écriture, et notamment la manière dont Robert Van Gulik y a exposé sa vision des lettrés traditionnels. Avec cet ouvrage, Van Gulik personnifie la figure de l’érudit occidental s’identifiant aux lettrés chinois et déployant son imaginaire de leur univers empreint de raffinement. Une dimension de ce livre qui fait partie intégrante de « la Voie du Qin » [traduction du titre chinois de l'ouvrage, Qín dào] suivie par son auteur.
MEI Chia-Ling, professeure éminente au département de littérature chinoise de l’université nationale de Taïwan (NTU), y dirige actuellement le Centre de recherche sur la civilisation chinoise moderne, après avoir occupé les postes de directrice de l’Institut de recherche sur la littérature taïwanaise, de directrice du département de littérature chinoise et de directrice du Centre d’études taïwanaises de la faculté des lettres de la NTU, ainsi que celui de présidente de la Société taïwanaise de littérature et culture chinoises. Ses domaines de recherche couvrent la littérature chinoise moderne, la littérature taïwanaise et la littérature des époques Han et Wei, ainsi que des Six Dynasties.
Après avoir été chercheure invitée au Harvard-Yenching Institute (États-Unis), boursière Fulbright et chercheure invitée à l’université chinoise de Hong Kong, elle a également enseigné en tant que professeure invitée à l’université Charles de Prague (République tchèque), à l’université Tsinghua (Chine), à l’université de Heidelberg (Allemagne) et à l’université Lingnan de Hong Kong.
Autrice de plusieurs ouvrages, dont La ligne médiane de la littérature : des évolutions historiques aux évolutions littéraires, L’histoire de « Elle » : lectures du genre du Moyen Âge à nos jours, De la jeunesse de la Chine à la jeunesse de Taïwan : imaginaire juvénile et discours national dans le roman chinois du XXe siècle, Genre ou nation ? Étude sur le roman taïwanais des années 50 et des années 80-90, L’art du langage dans le Shishuo Xinyu (Anecdotes contemporaines et nouveaux propos), Nouvel essai sur la littérature des Han, des Wei et des Six Dynasties : paroles déléguées et poèmes échangés.
Elle a également édité plusieurs ouvrages, parmi lesquels Discours de genre et roman taïwanais, Cours de littérature moderne taïwanaise : anthologie de nouvelles, Leçons sur la littérature de la fin des Qing : de l’université de Pékin à l’université nationale de Taïwan, Éveil culturel et production du savoir : perspectives transdisciplinaires, Nouveaux horizons des études taïwanaises : points de vue de jeunes chercheurs.
SHEN Tung, docteure en littérature chinoise de l’université nationale de Taïwan (NTU) et candidate au doctorat en ethnomusicologie à l’université du Maryland (comté de Baltimore, États-Unis), est actuellement professeure à l’Institut de musicologie de la NTU, où elle occupe également la chaire de recherche en musique chinoise.
Elle a exercé plusieurs fonctions administratives importantes au sein de la NTU : vice-présidente aux affaires internationales de 2005 à 2011, directrice du Centre des arts et de la culture de 2013 à 2019 et directrice de l’Institut de musicologie de 2000 à 2005. Elle a également été professeure au département de littérature chinoise de la NTU, professeure associée à l’université nationale Tsing Hua et à l’université Shih-Hsin, ainsi que professeure invitée de la chaire Qian Renkang au Conservatoire de musique de Shanghai. De 2019 à 2022, elle a été détachée auprès de la Fondation Language Training and Testing Center (LTTC) en tant que directrice générale.
Musicienne depuis l’enfance, elle pratique le guzheng (cithare chinoise), le pipa (luth chinois) et le guqin (cithare chinoise à sept cordes). Spécialiste de l’histoire de la musique chinoise, elle est l’autrice de plusieurs ouvrages de référence, dont Nouvelle étude sur la musique et la danse sous les Tang, Entités musicales et systèmes d’accord des régions de l’Ouest sous les dynasties Sui et Tang, Exploration historique du système musical Nanguan et L’Azalée qu’on ne peut oublier — Hwang Yau-tai. Elle a par ailleurs publié de nombreux articles scientifiques, notamment « Tribulations de la musique dans la Chang’an médiévale : musique, culture et politique au fil des controverses musicales de la période Kaihuang (581-600) des Sui », « Mélodies subtiles au cur d’un vacarme allogène : étude sur le guqin à l’époque des dynasties du Nord » et « Liberté effrénée et raffinement lointain : les élites lettrées et le guqin sous les Jin de l’Est et les dynasties du Sud ».
Ces dernières années, ses recherches se sont orientées vers la chanson populaire en langue chinoise des années 1950 et 1960. Elle a publié Mélodies de l’île de Formose : Chou Lan-Ping et la maison de disque Sihai (Four Seas Records), ainsi que plusieurs articles, dont « Chou Lan-Ping et la légende de La Petite Sérénade de l’île verte » et « Les résonances shanghaiennes de Bel Endroit : Yao Min et la musique des films musicaux hongkongais d’après-guerre ». Son dernier ouvrage, récemment achevé, s’intitule Quand la musique traverse le détroit de Taïwan : Chou Lan-Ping et la chanson populaire en langue chinoise.
Outre ses travaux de recherche, elle a également réalisé plusieurs bases de données musicales, assuré le commissariat d’expositions, produit de grands concerts, conçu des programmes audiovisuels et participé à la réalisation de documentaires consacrés au musicien Chou Lan-Ping et au cinéaste Lee Hsing. En janvier 2025, elle a présenté son premier concert solo, Chanter les gens de Taipei, au Huashan 1914 Creative Park à Taipei, alliant performance vocale et recherches sur l’histoire de la musique taïwanaise.
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