Déc 02- Véronique Daurat - Université Bordeaux Montaigne

L'accompagnement et ses institutions. Quel souci de l'Autre dans le prendre soin?

Doctorante:  Véronique DAURAT

 

Date: 02 décembre 2016 à 10h00
Lieu: Université Bordeaux Montaigne
Maison des Suds- Esplanade des Antilles
33600 Pessac

Résumé: 

Ce travail de recherche est un instant accordé à celles et ceux qui prennent soin des autres chaque jour au cœur d’un Hôpital. Il s’agit d’une pensée, d’un temps dédié à ces soignants et personnels hospitaliers qui gravitent autour de la maladie et de celui qui la vit, afin de se demander qui se préoccupe alors d’eux au quotidien.

De quel entre-soi, de quel accompagnement bénéficient-ils ?

Mise en mots de leurs propres maux. Mais aussi questionnement sur la place de l’encadrement, du management et donc du cadre de santé et de l’institution dans cette rencontre présupposée entre les différents acteurs.

Le thème qu’il s’agit d’approcher est celui de la pertinence, tant intellectuelle que culturelle,  d’une étendue de la pensée philosophique du Souci de l’Autre au sujet de l’éthique de l’humain professionnel à l’Hôpital.

En quoi la perspective de l’utilisation du processus philosophique de Souci de l’Autre, de care, offre-t-elle une lignée adaptée et significative dans le monde de l’accompagnement hospitalier d’aujourd’hui ?

Manière de venir frotter et limer sa cervelle contre celle d’autrui à l’image des idées de Montaigne, mais aussi d’envisager la transposition du processus de care tel que décrit par Joan Tronto dans ses phases successives.

Processus au travers duquel nous vérifierons le réalisme avec lequel les quatre phases que sont - Se soucier de ; Prendre en charge ; Prendre soin ; Recevoir le soin - associées aux notions morales et éthiques qui les complémentent - L’attention ; La responsabilité ; La compétence ; La capacité de réponse - sont susceptibles de trouver leur place dans la relation professionnelle  d’accompagnement.

C’est donc dans une vision de la philosophie nord-américaine contemporaine que nous tracerons notre chemin.

L’idée d’une politique du care participant du bien être de l’institution toute entière étant alors conviée et privilégiée dans cette approche et notre travail de recherche.

Accompagnement des soignants, mais aussi de ceux qui les accompagnent et donc de l’institution se trouvant au centre de notre attention et dans laquelle tout ceci se passe.

Penser et réfléchir sur les enjeux du soin et du prendre soin en contexte hospitalier en pleine métamorphose continuelle se devant d’être au cœur de nos préoccupations individuelles, professionnelles et de chercheur engagé.

Les enjeux socio-politiques qui en découlent, mais aussi les enjeux éthiques et moraux qui seront abordés prouveront l’authenticité de ce questionnement et la réalité du terrain qui s’impose à nous actuellement de façon accrue.

Partant du constat d’une forme de souffrance au sein des institutions hospitalières, non seulement en provenance des personnes malades, mais aussi de celles supposées leur apporter leur soutien et leurs soins, nous nous centrerons sur ce mode de mal être très particulier des donneurs de soins et plus largement des personnels hospitaliers en général, mais aussi donc de l’institution elle-même. La non reconnaissance de son être de soignant ressentie étant sans limite et les souffrances en découlant sans mots parfois, mais réussissant à s’exprimer uniquement par des maux divers et variés.

Paradoxe de l’institution associant soin et prendre soin, mais aussi souffrances et douleurs exacerbées en son sein lorsque l’on s’approche de celles et ceux qui la font vivre et fonctionner.

Comment apporter alors, par le biais d’un management du soin, d’un prendre soin des institutions de soin, d’un souci de ceux qui prennent soin de ceux qui donnent des soins, une réponse aux questionnements de tous ?

Un « care managérial » à dimensions variables, mais axé sur l’individu soignant, devenant ainsi notre approche privilégiée.

Une politique du care dans l’institution engageant une autre manière de prendre soin, de soutenir, d’accompagner, mais aussi et surtout de penser.

Penser ces autres afin d’avoir à les panser le moins possible un jour.

Cela se trouvant dans une implication cérébrale, intellectuelle, mais aussi pratique.

S’agissant en fait d’une autre façon de penser l’institution et ce qui s’y rapporte. De rendre le care politique et institutionnalisé tout en le déliant de sa notion souvent sentimentale avec tout ce que cela comporte de craintes de la part de l’institution toute entière. 

Puisque la place de la sollicitude, du souci de l’Autre dans l’accompagnement nous semblait être indéniablement une question de fond, nous nous devions d’approcher philosophiquement cette notion et cette attitude, mais aussi ce savoir être se devant d’aller avec.

 

Dans un premier temps, nous nous soucierons de et donc d’eux en leur donnant l’attention qu’ils sont en droit d’attendre de la part de leur entourage professionnel.

Comment et pour quelles raisons, le cadre serait-il le mieux placé pour se soucier d’eux, pour voir, déceler, constater leurs souffrances, leurs besoins en terme d’accompagnement, de soutien ?

Seront pointées et explicitées les notions de particularités du travail envers autrui tel que celui de soignant, mais aussi celles d’une invulnérabilité supposée de celui qui soigne.

La souffrance spécifique du soignant engageant une quête existentielle et un besoin de reconnaissance tout aussi particulier.

La position de celui qui accompagne sera alors vue comme une attitude tournée vers le fait de se soucier de et non de soigner, de se soucier d’eux et non de les soigner. Tout en donnant une attention réelle et authentique aux besoins des soignants. Authenticité se devant de s’apparenter à une forme de justice indispensable dans l’attention.

Dans un second temps, nous aborderons la possibilité de les prendre en charge en tant que responsable professionnel les entourant.

Il s’agira d’aborder la responsabilité spécifique du cadre et sa compréhension dans ce que ce dernier pratique en menant à bien ses différentes actions et activités de terrain.

Le « concernement » de celui-ci et la responsabilité propre au cadre seront questionnés, de même que la liberté laissée à ce dernier dans cette sorte de prendre en charge. Bienveillance ou autres seront mis en exergue.

Mais l’engagement dont il devra faire preuve sera certainement éthique, que ce soit dans ses activités ou ses dispositions individuelles et professionnelles. 

Dans un troisième temps, nous analyserons comment il pourrait être adapté de prendre soin d’eux et quelles seraient les compétences nécessaires à cette mise en application sur le terrain du prendre soin.

Ethique professionnelle ne se résumant alors pas qu’à des règles, des codes de conduite ou autres, mais aussi à un savoir être individuel et institutionnel.

Au travers de l’offre de prendre soin du cadre envers les personnels, les compétences attendues et mobilisées se devront d’être variées et riches, mais aussi pensées et évolutives selon le contexte socio-économique, les normes, les évolutions institutionnelles et les attentes de chacun.

Se devant de naviguer entre une offre de validation existentielle, d’être créatif tout en restant compétent, le cadre deviendra alors la règle de référence du prendre soin institutionnel et l’étalon dans ce domaine. Jongler entre position, positionnement, prendre soin et soutien relevant alors d’une pratique, mais aussi d’une attitude complexe rendant indéniablement l’institution emplie de craintes et d’incertitudes.

Compétences de fond, mais aussi compétences affinées seront nécessaires et détaillées.

Sous forme d’un aider l’Autre à croître, le cadre se retrouvera en position d’assumer et de partir à la recherche des ressources propres au soignant, mais aussi et donc des siennes. Le genre dans le prendre soin qu’il engage se laissant aussi questionner à cette occasion dans un milieu professionnel assez genré de fait.

Ce qui conduira à nous mobiliser autour de l’épineuse question d’un prendre soin institutionnel au travers de l’accompagnement et donc des personnes dirigeantes, mais aussi et surtout des cadres. Invisibilité d’un travail de care managérial et valorisation du cadre lui-même faisant écho à un sentiment de reconnaissance ou non et à la place d’une institution qui prendrait réellement soin de ses personnels.

Dans un quatrième temps, nous évoquerons la manière dont il serait possible que ces autres soient susceptibles de pouvoir accueillir ce prendre soin dirigé envers eux.  

Se saisir de la sollicitude du cadre ne sera pas chose aisée pour tout personnel soignant ou autre. Il s’avèrera être parfois difficile pour le receveur de ce type de prendre soin d’accepter cette forme d’attention de la part de la personne incarnant selon lui un pseudo pouvoir dans une institution normée et formatée en ce sens.

Le consentement du soignant à la sollicitude, au soutien du cadre, ne sera pas chose aisée et sa réponse à ce type d’intervention ne sera pas significativement évidente ou allant de soi.

Bonne distance et juste proximité étant alors à interroger au cœur même de cette relation, tout comme la complexité de cet échange face à une sorte d’inégalité de puissance supposée entre les différents protagonistes de la relation. Ceci faisant aussi appel à l’acceptation de cette part de vulnérabilité perçue comme telle alors parfois par celui qui est en position de recevoir le prendre soin. Chose paradoxale ou inenvisageable pour un être soignant de prime abord.

 

Le milieu hospitalier auquel appartient le soignant sera donc mis face à ses propres responsabilités, à ses incertitudes, ses doutes, ses manquements, ses failles et faiblesses, mais aussi ses forces représentées dans les agissements de ceux qui seraient susceptibles de pouvoir accompagner au mieux ces autres si particuliers. Un care managérial, de même qu’une politique du care que l’institution elle-même laisserait se développer et s’installer en son sein ne seraient-ils pas le gage d’un épanouissement certain par tous et surtout pour tous ?

Penser autrement, plus profondément, en insistant sur ce qui ressort de l’humain dans toute sa splendeur, mais aussi sa douleur, pourrait être alors une définition d’une politique du care institutionnelle.

Une autre façon de penser, de se penser, mais aussi de se laisser ainsi vivre et exister, relevant d’un pari sur l’avenir pour l’institution, quel que soit son souhait d’évolution. 

 

 

 

footer-script