Nov 19- Maria Cristina Panzera Pistolesi - Université Bordeaux Montaigne

Habilitation à diriger des recherches- Maria Cristina Panzera Pistolesi-Traditions didactiques et littératures : textes, transtextualité, interculturalité du Moyen-Age à l'époque moderne

Maria Cristina Panzera Pistolesi

 

 

Date: 19 novembre 2016 à 09h00
Lieu: Université Bordeaux Montaigne
Maison de la Recherche salle 001
Esplanade des Antilles
33600 Pessac

Cristina Panzera est Maître de Conférences d’italien à l’Université Bordeaux Montaigne où elle a été recrutée en 2007. Elle enseigne à l’UFR de Langues et Civilisations dans la section d’Italien LLCE et elle est membre de l’équipe de recherche EA 4593 CLARE. Élue en janvier 2016 dans le conseil d’équipe de ce centre, elle est co-responsable de l’axe Éducation et Humanisme et contribue aux travaux du Centre Montaigne.

Ancienne élève de l’École Normale Supérieure de Pise (Italie) elle a obtenu un Master 2 (Laurea) de Philologie romane en 1994 et un doctorat en études linguistique et philologiques italiennes en 1998 avec une thèse sur les Documenti d’Amore (Les enseignements d’Amour) de Francesco de Barberino, sous la direction de Mme Valeria Bertolucci Pizzorusso. Elle a suivi une formation rigureuse dans les domaines de la linguistique diachronique et de la philologie (paléographie, histoire du livre, critique textuelle, méthodes d’édition).

Lauréate de plusieurs concours pour l’enseignement (Capes externe, agrégation externe et concours national italien), elle a enseigné dans les Université de Chambéry (ATER en 2001-2002) et d’Avignon (ATER de 2005 à 2007) et elle a collaboré avec des centres de recherche de renommée internationale comme le laboratoire du Lexique Etymologique Italien dirigé par le professeur Max Pfister à Saarbrücken (en Allemagne).

Son dossier présenté pour l’Habilitation à diriger des recherches porte le titre : Traditions didactiques et littérature. Textes, transtextualité, interculturalité du Moyen Âge à l’époque moderne. Il comporte quatre volumes reprographiés et quatre livres publiés qui permettent de suivre l’évolution de son activité de recherche s’échelonnant de 1995 à aujourd’hui.

Le vol. I présente le Curriculum Vitae et le dossier de synthèse (101 p.) ;

Le mémoire inédit occupe les vol. II et III sous le titre : De l’orator au secrétaire : modèles épistolaires dans l’Europe de la Renaissance (484 p.).

Les vol. IV et V rassemblent les articles et travaux pour un total de 45 documents, répartis selon les axes thématiques suivants:

1. Le texte et sa matérialité : édition, métrique, linguistique

2. Genres et Formes du discours ;

3. Héritage et transmission culturelle ;

4. Rhétorique épistolaire.

5. Travaux de divulgation.

 

Pour les publications en forme de livre sont présentés la monographie Francesco da Barberino tra Andrea Cappellano e Averroè : poesia, immagini, profetismo, Alessandria, Edizioni Dell’Orso, 2016, ainsi que deux volumes collectifs dont Mme Panzera a assuré la direction : L’exemplarité épistolaire, Bordeaux, PUB, collection « Eidôlon » n° 107, 2013 et La lettre au carrefour des genres et des traditions, Paris, Classiques Garnier, 2015. Le dossier est complété par le numéro de la revue Essais. Revue interdisciplinaire d’Humanités, 4, 2014 : « Éducation et humanisme », Études réunies par Nicole Pelletier et Dominique Picco (où C. Panzera figure comme auteur de deux articles et d’un compte rendu, mais également comme membre du comité de lecture).

 

Spécialiste de littérature médiévale et renaissante, Mme Panzera a contribué principalement à deux domaines de recherche :

1) la littérature didactique à l’époque pré-humaniste (XIVe-XVe siècles),

2) l’art épistolaire humaniste et sa réception dans les livres de lettres (en Italie et en France).

Malgré leur différence thématique et chronologique, ces deux axes sont abordés selon une méthodologie commune, puisqu’il s’agit de considérer dans les deux cas l’articulation entre les traditions didactiques et les dynamiques de création littéraire, mais également parce que l’approche des textes des époques étudiées nécessite de prendre en compte la diglossie du latin et du vernaculaire comme langues de culture. Dans le premier cas, il s’agit d’étudier la question historiographique de la naissance d’une littérature vernaculaire en marge de la grande culture universitaire de la scolastique tardive, dans le deuxième cas la recherche concerne l’héritage de l’humanisme latin dans la culture italienne de la Renaissance.

 

La monographie Francesco da Barberino tra Andrea Cappellano e Averroè s’inscrit dans la continuité des travaux de recherche commencés dans le cadre de la thèse de Doctorat à l’École Normale Supérieure de Pise. Ce livre explore à travers l’étude de l’œuvre didactique de Francesco da Barberino (Documenti d’Amore et Reggimento e costumi di donna) une époque charnière de la littérature italienne que Dante a marquée à jamais de sa forte personnalité et dont il reste encore à éclairer quelques zones d’ombre, en marge et autour de ce chef-d’œuvre de la poésie d’enseignement qu’est la Divine Comédie. Cette histoire culturelle concerne la période dite ‘de la scolastique tardive’, pour laquelle la définition de pré-humanisme a été également proposée (par R. Weiss). Les recherches de Ruedi Imbach sur les laïcs et les savoirs au Moyen Âge tracent les coordonnées historiques et méthodologiques indispensables pour encadrer ce phénomène d’élargissement culturel qui assigne aux laïcs un rôle de plus en plus important dans la vie intellectuelle (R. Imbach, Dante, la philosophie et les laïcs. Initiations à la philosophie médiévale I, Paris-Fribourg, Cerf-Editions Universitaires, 1996 et R. Imbach – C. König-Pralong, Le défi laïque, Paris, Vrin, 2013). Le poème de Dante est certainement le produit le plus extraordinaire de cette nouvelle culture, mais il est important d’examiner de manière plus large le contexte de sa conception, particulièrement pour ce qui concerne (a) la poésie didactique et allégorique au début du XIVe siècle, (b) l’accès des laïcs de cette époque aux savoirs théologiques, scientifiques, littéraires.

Notaire, personnage politique et écrivain, Francesco da Barberino est l’auteur de deux vastes manuels d’éducation respectivement pour les hommes et pour les femmes de Florence, composés dans la première moitié du XIVe siècle. Après avoir étudié les caractéristiques linguistiques et formelles de ses ouvrages, leur structure et leurs sources, C. Panzera a montré que cet auteur n’est pas seulement un compilateur soucieux d’accumuler toutes sortes de curiosités et d’informations érudites, mais que son encyclopédisme est guidé par un projet cohérent du point de vue de l’idéologie philosophique et religieuse. Ce projet doit être relié, en effet, à la crise qui suivit la condamnation parisienne de 1277 contre l’averroïsme et la circulation d’ouvrages sur l’amour profane tels que le De Amore d’André le Chapelain et le Roman de la Rose, considérés comme littérature libertine. Présent à Avignon dès 1309, le notaire toscan a dû suivre avec intérêt les questions doctrinales qui agitaient les intellectuels de son temps, dans une période cruciale de la lutte de l’Église contre l’hérésie et des tensions politiques avec la couronne de France. Si le rejet de l’averroïsme et de la science arabe est explicite dans les gloses des Documenti d’Amore, le rapport à la courtoisie du chant des troubadours et au thème philosophique de l’amour est plus problématique. Tandis que certains parmi ses contemporains (comme Guittone d’Arezzo), se livrent à une condamnation ouverte de l’amour conçu comme une passion charnelle démoniaque, Francesco reste proche de l’idéal de la fin’amors et propose une réconciliation entre l’amour licitus mondanus, à savoir humain et honnête, et l’amour de Dieu.

 

Les recherches sur la rhétorique épistolaire à la Renaissance font surgir des problématiques semblables concernant la double formation intellectuelle des auteurs, latine et vernaculaire, et les dynamiques de création littéraire qui s’instaurent à partir d’un héritage culturel assumé. Le volume inédit d’HDR De l’orator au secrétaire: modèles épistolaires dans l’Europe de la Renaissance est centré sur l’idée d’une continuité entre l’éducation humaniste et l’essor des livres de lettres en langue italienne qui sont publiés en grand nombre en Italie à partir de la moitié du XVIe siècle.

L’échange épistolaire occupe une place très importante dans les pratiques sociales, politiques et culturelles de l’époque prémoderne et s’érige en genre littéraire à part entière à la Renaissance. Depuis les années soixante-dix, on assiste à un renouveau considérable des recherches dans le domaine épistolaire avec le passage d’une approche de type positiviste, où la lettre était considérée comme une simple source d’informations au service de l’histoire événementielle, à une approche sémiologique prenant en compte les fonctions communicationnelles et performatives du discours épistolaire, son rapport à la société et à l’histoire des mentalités. L’attention de Mme Panzera est portée aux transferts culturels à l’époque charnière de l’invention de l’imprimerie. Publié la première fois à Venise en 1564, le traité Del Secretario de Francesco Sansovino se trouve en amont de la riche tradition italienne de manuels d’écriture pour les professionnels de la plume et il connut un rayonnement européen. Les critiques l’ont longtemps considéré comme le texte-témoin de la modernité épistolaire, associée à l’instrument médiatique nouveau qu’est l’imprimerie : l’invention par Sansovino d’un genre littéraire nouveau – le traité pour secrétaires – serait le reflet d’un renouveau en cours dans les pratiques d’écriture et dans le développement des réseaux intellectuels. La donnée philologique qui vient nuancer sensiblement cette interprétation est la découverte, centrale dans l’étude de C. Panzera, que les modèles de lettres proposés par Sansovino ne sont pas l’œuvre originale de cet auteur, mais au contraire la traduction et l’adaptation en langue vernaculaire d’un manuel latin du XVe siècle de type cicéronien écrit par l’humaniste Francesco Negro. Par conséquent, il est possible de prouver que le savoir du secrétaire en matière d’écriture épistolaire recoupe le modèle de l’orateur ancien et ne vise pas à le dépasser, comme il avait été largement affirmé. La genèse de ce livre de Sansovino, ses intentions, son évolution au cours des sept éditions successives supervisées par l’auteur, la question également de sa réception ont constitué l’objet central du volume De l’orator au secrétaire. L’étude retrace également la fortune de l’Opusculum scribendi epistolas de Francesco Negro du point de vue de l’histoire du livre et de l’histoire de l’éducation. Il est montré que ce manuel humaniste se trouve à la base d’une vulgate de l’art des secrétaires dans l’Europe de la Renaissance, et ceci malgré le jugement assez négatif exprimé à son sujet par Érasme dans son De conscribendis epistolis. La genèse de la rhétorique érasmienne de la lettre et la question de sa réception chez les auteurs italiens du XVIe siècle se trouvent enfin au centre d’un questionnement qui traverse cette recherche : comment expliquer le rejet opposé par Érasme à l’école humaniste italienne dont Negro est l’un des représentants ? Dans quelle mesure le De conscribendis partage-t-il, malgré le rejet, des conceptions rhétoriques communes à l’Opusculum de Negro ? Comment enfin les théoriciens de l’art de la lettre en langue vernaculaire ont-ils su tirer profit de cette tradition humaniste et comment ont-ils concilié l’héritage de Negro et celui d’Érasme, qui, à la différence du premier, devint un auteur à bannir après la publication de l’Index des livres interdits à l’époque du Concile de Trente ?

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