Juin 24 - Philippe Féréol - Université Bordeaux Montaigne

Pédagogie du numérique anglais LV2 dans l'enseignement secondaire professionnel: reconstruire, remotiver, remédier

Doctorant : Philippe Féréol

 

Date: 24 juin 2016 à 14h00
Lieu: Université Bordeaux Montaigne
Maison de la Recherche-salle des thèses
Esplanade des Antilles
33600 Pessac


Pédagogie du numérique en anglais LV2 dans l'enseignement secondaire professionnel : reconstruire, remotiver, remédier
L’enseignement-acquisition des langues vivantes a connu des développements méthodologiques constants et importants depuis que la méthode grammaire-traduction a cessé d’être validée comme voie royale d’accès à la connaissance et à la compétence. Une telle évolution a pour finalité déclarée la facilitation du processus d’acquisition et l’amélioration des performances communicatives. L’usage de « nouvelles technologies » numériques s’inscrit dans cette évolution facilitatrice, qui s’inscrit elle-même dans un contexte historique, socio-économique et épistémologique complexe. Mais bien avant l’avènement d’Internet, l’usage d’outils technologiques simples – stylo, feutre, cartes, transparents, tableau – constituait déjà un enjeu didactique lié à un contexte social, économique, politique, éducatif et linguistique. Le 21ème siècle est considéré comme l’âge du numérique. Les TIC sont devenus des outils identitaires d’une génération désormais définie comme « native du numérique » (angl. digital natives). Le numérique et l’accès quasi illimité aux ressources dans une langue authentique constituent une richesse inépuisable pour le pédagogue, d’une diversité et d’une accessibilité sans précédent, permettant une diversification extrême des supports didactiques. On ne peut nier la richesse encyclopédique apportée par le net et surtout l’immédiateté de l’information recherchée. Dès que les mots clés sont tapés, l’apprenant a accès à l’information qui survient dans l’ici et le maintenant de la séquence de travail. Cependant, nous restons attachés à la répétition, au recyclage, à la réactivation des contenus, si possible en les diversifiant. Equiper les établissements secondaires en matériels coûteux devient une nécessité pour faire face aux besoins nouveaux de la société. Les ressources numériques, qui ont complété puis évincé le manuel et ses périphériques traditionnels, demeurent un atout incontournable pour l’apprentissage d’une langue vivante étrangère, grâce à des contenus linguistiques et culturels le plus souvent authentiques, qui favorisent la mise en oeuvre de l’approche actionnelle du Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues. Il serait naïf de penser que la modernité apparente d’un dispositif numérique en fait automatiquement l’instrument d’une révolution méthodologique. Ce qui est vrai, en revanche, est que le numérique permet de revisiter des principes anciens (voire très anciens) et de leur offrir une seconde vie, améliorée ou augmentée, sans nécessairement instaurer une rupture méthodologique et épistémologique. On peut néanmoins s’interroger sur la capacité du sujet
2
apprenant à traiter un input riche directement extrait d’Internet, sans surcharge cognitive ni confusion langagière. En effet, la plus-value pédagogique présumée, didactique et motivationnelle, qui est associée à ces outils technologiques ne saurait être acceptée sans un questionnement sincère sur les capacités cognitives effectives des apprenants ainsi que sur la réalité de leur engagement. L’accordage entre le sujet apprenant, les méthodes et méthodologies d’enseignement-apprentissage des langues, ainsi que les dispositifs numériques doivent être explorés. En effet, en dépit de l’attractivité, de la non-linéarité et de l’interactivité de l’hypermédia, il convient de vérifier que l’apprenant possède bien les ressources cognitives nécessaires pour traiter efficacement l’information issue de l’hypertexte. Nous estimons que l’artéfact ne peut être considéré pleinement comme un instrument : celui-ci ne permet pas de construire l’information et de la transformer en input et enfin en connaissance. Le besoin d’une médiation est de rigueur dans la méthodologie de la recherche d’information en ligne, de sélection et d’exploitation linguistique.
L’enjeu du traitement de l’information ne se situe pas simplement au niveau de l’extraction d’input mais bien de la construction sémantique au sein de la mémoire de travail. Notre réflexion théorique fait donc entrer en dialogue des disciplines telles que la linguistique, la psycholinguistique, la didactique, les sciences cognitives. Elle fait également un état des lieux des différents outils numériques, afin de vérifier la compatibilité entre l’enseignement-apprentissage des langues étrangères et de la technologie. Les chercheurs dénombrent une diversité impressionnante d'outils numériques. Cette diversité a engendré une prolifération terminologique qui peut être déconcertante pour les pédagogues: multimédia, multimodalité, hypertexte, sans oublier les acronymes, CALL, MALL, MALU, MOOC, FAOD, TIC, TICE et TICEL, qui ne sont significatifs que s’ils sont placés dans leur contexte historique et dans l’histoire de la didactique des langues étrangères.
Notre posture d’enseignant de terrain nous amène à considérer le numérique comme un facteur de motivation engageant fortement les usagers dans l’apprentissage de la langue étrangère. Cela d’autant plus que le public participant à notre étude est généralement peu motivé pour l’apprentissage des langues étrangères. La mise à disposition à des fins pédagogiques de tablettes tactiles, assimilables à des consoles de jeu, implique-t-elle vraiment davantage l’élève d’une filière professionnelle ? Modifie-t-elle sa représentation de la langue cible? Pour répondre à cette question, nous menons deux expérimentations. Dans un premier temps, nous réalisons un pré-test permettant d’élaborer des hypothèses sur l’engagement
3
cognitif des apprenants dans un environnement numérique. Nous observons l’usage réel et situé de tablettes numériques censées susciter la motivation par leur caractère ludique. Nous examinons également la posture des apprenants et leur capacité à exploiter l’information. Notre étude empirique a débuté avec les Travaux de Recherche Académique Mutualisé en langues vivantes. Ces derniers impliquaient un groupe de réflexion encadré par Sabine Aligé, référente IEN d’anglais et de Valérie Vidal, IPR d’espagnol (Académie de Poitiers). L’expérience TRaAM a commencé durant l’année scolaire 2006-2007 et a permis de mutualiser 95 scénarios pédagogiques intégrant des fichiers audio-visuels authentiques ou didactisés. De 2013 à 2014, deux groupes de réflexions se sont réunis afin d’élaborer des activités langagières pour mettre en valeur le rôle de l’oral et de la langue vivante en tant qu’outil de communication. A ce stade, la démarche conservait un caractère intuitif et les pratiques observées n’étaient pas strictement encadrées. C’est pourquoi, dans un deuxième temps, nous avons procédé à une expérimentation plus structurée, en meilleure adéquation avec les critères de la recherche-action en langues vivantes étrangères. Nous en détaillons et en analysons les résultats dans cette thèse. Trois courtes études empiriques, effectuées un an plus tard dans un autre établissement d’enseignement professionnel, tentent d’approfondir le concept d’engagement cognitif mais surtout de remettre en question l’opinion selon laquelle les documents authentiques émanant d’Internet fourniraient à l’apprenant des contenus favorisant ipso facto sa réussite.

 

 

 

 

footer-script