Juin 16- Zeineb Guessoum Boucetta - Université Bordeaux Montaigne

L'intertextualité comme source de création littéraire : essai sur le roman arabe contemporain

Doctorante : Zeineb Guessoum Boucetta

 

Date: 16 juin 2016 à 13h30
Lieu: Université Bordeaux Montaigne
Salle des thèses- Bâtiment Accueil
Esplanade des Antilles
33600 Pessac

Résumé: 

Pour répondre à la problématique de l’intertextualité dans le roman arabe contemporain, une démarche multiple s’impose : il faut se demander pourquoi et comment les grands romanciers reprennent les récits anciens à caractère essentiellement historique et politique pour les réécrire à leur façon sans s’éloigner du thème original. Ensuite, pour en reconnaitre l’origine, il faut chercher la relation thématique qu’un texte entretient avec d’autres textes sources et découvrir ainsi les traces d’intertextualité. Enfin, il faut déterminer sur quoi s’appuie le romancier pour créer de nouveaux romans. Au terme de chaque partie, nous proposerons un récapitulatif des principaux points abordés, en exposant des arguments visant à expliquer l’intérêt de l’intertextualité dans le processus de renouvellement de la création romanesque arabe contemporaine.

Dans notre étude nous avons pris en considération quatre romans arabes qui visent tous à renouveler la littérature arabe classique, comme al-Zaynî Barakât, 1970-1971 du romancier égyptien, Jamâl al-Ghitânî et Nuwwâr al-lawz, sous titré Taghrîba de Sâlaḥ Ben cÀmer al-zûfrî, 1983, écrit par le romancier algérien, Waciny Larej,Yûssef al-inglîsî, 1999, du libanais Rabîc Jâbir et Macbad yanjaḥ fî Baghdâd, 2005, écrit par un autre romancier et poète libanais, Rashîd al-Da‘îf. Ces romanciers arabes abordent aussi, en les adaptant à leur époque, des thèmes historiques concernant la vie sociale, artistique, intellectuelle et les conséquences de l’immigration. Nous avons constaté que l’intertextualité figure dans le titre ou le sous titre de chacun de ces romans inspirés d’une histoire ancienne ou d’un événement historique ou encore d’autres textes traditionnels repris dans des œuvre multiples dans lesquels les écrivains adaptent consciemment ou non leurs acquis culturels.

Pour étudier la question de l’intertextualité comme source de création littéraire dans le roman arabe, nous avons structuré notre travail en trois parties. La première, dont le titre est « Citations et Références », analyse la relation existant entre la citation intertextuelle et le lecteur. La seconde partie, intitulée « Allusions et Évocations », scrute la relation entre l’intertextualité et la mémoire véhiculée par la littérature. Enfin, la troisième et dernière partie, dont l’intitulé est « Reprises et Remaniements », s’attache à la reprise textuelle et à la relation de dérivation existant entre les textes. Dans ces trois parties, l’exploitation des différentes opérations intertextuelles sert de principal support à la narration tout en contribuant à l’esthétique du roman. L’écrivain s’appuie donc sur ses vastes connaissances pour y puiser « une citation bien choisie qui enrichira et éclairera le paragraphe où elle paraît comme un rayon de soleil », comme l’a formulé Nathalie Piégay-Gros.

L’intertextualité dans le roman peut prendre des formes très diverses. La citation permet de reprendre des thèmes et des structures textuelles, mais en les plaçant à des échelles et à des niveaux différents, faisant entendre des discours rapportés tantôt implicitement tantôt explicitement, qui sont intégrés dans le récit. En cela, l’exploitation des différentes opérations de citation sert de principal support à la narration, tout en contribuant à l’esthétique du roman. Les créations romanesques reposent aussi sur une intertextualité fondée sur la référence à des textes antérieurs, mentionnés sans pour autant que soit citée la source d’inspiration. Nous avons constaté deux formes de figure rhétorique traditionnelle liées à ce procédé la comparaison et la métaphore. Nous parlerons de « trope » pour ces deux pratiques car le discours antérieur est à interpréter pour donner une signification nouvelle.

Les livres appartenant au domaine de la littérature romanesque contiennent beaucoup d’allusions, présentées sous des formes variées et dont il est souvent difficile de saisir le sens à travers la citation rapportée. En effet, les romans étudiés rapportent des discours codés, de nature littéraire, historique, politique ou encore religieuse. Il existe enfin des allusions cachées qui, pour être découvertes, nécessitent que le lien à l’intertexte soit remarqué et compris, une tâche demeurant à la charge du lecteur attentif. Un autre outil d’intertextualité est l’évocation qui est comprise comme un jeu lié à la mémoire et à la compétence littéraire de l’auteur, et dépendant de ses propres lectures. Le fait d’évoquer, par l’utilisation de ses souvenirs, des événements antérieurs correspond à une forme d’intertextualité qui désigne « l’ensemble des textes que l’on peut rapprocher de celui que l’on a sous les yeux, et l’ensemble des textes que l’on retrouve dans sa mémoire, à la lecture d’un passage donné », comme l’a défini Michael Riffaterre.
L’intertextualité peut également prendre la forme d’une reprise thématique, laquelle implique des modifications formelles du récit second, sans changer le sens initial du récit premier, cette reprise consistant à réduire ou amplifier des thèmes anciens pour leur donner une signification nouvelle. L’on trouve aussi des reprises d’un thème originel, qui constituent le procédé de réécriture renouvelant complètement le genre romanesque. Cela consiste, comme l’affirme Gérard Genette dans Palimpsestes, à « faire du neuf avec du vieux », forme intertextuelle du remaniement d’un texte rapporté, procédé pouvant engendrer des créations nouvelles par le biais de la dérivation hypertextuelle et aboutir à la parodie (par souci de transformer un texte pour le ridiculiser) ou au pastiche visant à imiter la manière d’écrire d’un auteur que l’on apprécie. Gérard Genette souligne à ce propos que dans le Palimpseste l’on peut trouver, dans la littérature, « grâce à un choix judicieux des dérivations, plusieurs énoncés tous différents, dont chacun évoque la manière d’un auteur singulier».

L’objectif de cette thèse de doctorat est de démontrer l’intérêt considérable que représente l’écriture intertextuelle dans le roman arabe contemporain. Au sein de ce corpus romanesque, l’intertextualité devient donc comme source de création littéraire, utilisée non seulement pour décrire la réalité quotidienne des peuples arabes mais aussi pour approcher la vision personnelle de l’auteur et, au-delà, la vision du monde arabe contemporain.

 

 

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