Sept 09- Rémi JOUSSIAUME - Université Bordeaux Montaigne

Les relations entre diapirisme et sédimentation : exemple du Jurassique moyen de la région d' Imilchil, Haut-Atlas central, Maroc

Doctorant: Rémi JOUSSIAUME

 

Date: 09 SEPTEMBRE 2016
ENSEIRB-MATMECA INP Bordeaux
AMPHI F

Résumé:

Cadre géologique

L’organisation structurale de la région d’Imilchil se caractérise par la succession nord-sud de rides diapiriques (c.-à-d. salt walls) (Tasraft, Tassent, Ikkou, Amagmag) et de mini-bassins (Ikassene, des Lacs, Tilmi) orientées NO-SE. La formation syn-jurassique de ces structures est attestée par la géométrie des dépôts (discordances progressives) et la distribution des faciès autour des rides diapiriques. L’impact de la compression néogène est de faible ampleur et ne modifie par la structure générale de la zone.

Les rides sont composées de roches sédimentaires et volcaniques réunies en quatre ensembles lithologiques :
 Une unité volcano sédimentaire du Trias supérieur formée principalement d’argiles, silts et grés fins ainsi que de coulées basaltiques interstratifiés et de gabbros qui correspondent à l’événement magmatique du Trias supérieur associé à la « Central Atlantic Magmatic Province » (CAMP). Cette unité constitue l’essentiel du matériel diapirique remobilisé lors de la formation des rides au Jurassique inférieur et moyen.
 Une unité sédimentaire composée de lambeaux de calcaires de plate-forme interne du Trias/Lias inférieur.
 Une unité de roches magmatiques du Jurassique et du Crétacé inférieur.
 Une unité sédimentaire de dépôts alluviaux à laguno-marins datée du Paléocène.

Les mini-bassins enregistrent le dépôt d’une série sédimentaire composée de huit formations sédimentaires datées du Jurassique inférieur et moyen. Le découpage lithostratigraphique proposée dans cette étude est basé sur une analyse sédimentologique et cartographique détaillée qui permet la définition de six séquences de Transgression-Régression d’extension régionale répartie en trois systèmes de dépôts.

Un système de rampe carbonatée qui présente un éventail de faciès de la rampe moyenne de haute-énergie à la rampe externe distale. Ce système enregistre du Toarcien supérieur au Bajocien inférieur une majorité de dépôts marno calcaires de rampe externe distale correspondant aux formations d’Agoudim 1, 2, 3 et de Bin El Ouidane 2 (séquences S1 à S3b). La baisse relative du niveau marin permet l’installation au Bajocien supérieur de faciès de rampe moyenne à oolites, oncolites et bioconstructions de la Formation de Bin El Ouidane 3 sur la quasi-totalité de la zone d’étude (séquences S3c à S5a).
La distribution régionale des faciès au sein de ce système carbonaté montre une progradation depuis le nord et le sud de la zone d’étude des dépôts de rampe moyenne en direction de l’axe du bassin atlasique situé au nord de la localité d’Imilchil. La distribution des faciès et les modèles de dépôts sont différents entre les rampes carbonatées nord et sud. La première est à dominance oolitique tandis que la seconde est dominée par les faciès oncolitiques et bioconstruits. Cette différenciation pourrait-être liée à l’orientation système par rapport aux éléments climatiques et/ou à la pente des profils de dépôt

La mise en place d’un système mixte au Bajocien supérieur suite au développement d’un très important flux clastique provenant globalement de l’ouest (WMA) provoque l’ennoyage et la disparition rapides des rampes carbonatées. A l’échelle de la zone d’étude ce système qui correspond entièrement à la Formation d’Imilchil, se caractérise par l’absence de variation latérale de faciès qui témoigne d’une très faible inclinaison du profil de dépôt. Seuls les abords des rides diapiriques, dont l’activité s’accentue durant cette période, montrent des variations rapides de faciès.
Le modèle de dépôt de ce système mixte est composé de quatre associations de faciès, une d’environnement intertidal et trois d’environnement subtidal. Ces associations de faciès se succédent verticalement du Bajocien supérieur au Bathonien. Les dépôts de faciès subtidaux de tempête qui constituent la base de la Formation d’Imilchil passe verticalement à des dépôts d’environnement intertidal qui forment le sommet d’un premier cortège régressif (S5b). Il s’ensuit une hausse du niveau marin relatif qui provoque le passage progressif de dépôts intertidaux à des faciès subtidaux de barres et chenaux tidaux et de biostromes à coraux qui marquent le sommet du cortège transgressif (séquence S6a). Le passage au Bathonien se produit au sein de ces séries mixtes (Montbaron, 1985). Une dernière évolution régressive (séquence S6b) aboutit au développement du Bathonien au Callovien inférieur d’un système silico clastique (Formation d’Anemzi) caractérisé par des dépôts alluviaux de basse énergie correspondant à la partie distale d’un système du type « distributive fluvial system » (Nichols et Fisher, 2007 ; Weissmann et al., 2013).

Chronologie du diapirisme

L’analyse des variations des taux de subsidence différentielle aux abords des différentes rides diapiriques, en fonction des séquences, révèle dans le secteur d’Imilchil, une activité continue mais non linéaire de l’activité diapirique pendant le Jurassique inférieur et moyen.
Elle fait apparaitre une première phase d’activité diapirique majeure au Toarcien-Aalénien. Elle est suivie d’une période de plus faible intensité qui correspond peu ou prou, à la progradation et au développement de la rampe carbonatée de Bin El Ouidane 3 de l’Aalénien terminal au Bajocien supérieur. Cette phase est tout de même marquée par un période de croissance accrue des rides durant le Bajocien supérieur.
L’intensité de l’activité diapirique s’accentue de nouveau à partir du Bajocien supérieur suite à l’influx de sédiment terrigènes dans le bassin et au dépôt de la Formation mixte d’Imilchil et silico-clastique d’Anemzi.
Cette cyclicité de l’activité diapirique semble être partagée à l’est de la région d’Imilchil (Studer, 1980) ce qui donne une dimension régionale à ces variations de l’intensité de l’activité diapirique. Cela implique que les rides diapiriques répondent à des influences globales d’ordre sédimentaire (variation du taux de sédimentation) et peut-être d’ordre tectonique (rejeu décrochant des failles majeures sur lesquelles s’implantent les diapirs).

Même si l’activité diapirique semble homogène dans le temps suivant les différentes phases de croissances et de calme relatifs décrits précédemment, il y a des disparités à la fois entre les rides diapiriques (phases majeures de croissances plus ou moins marquées) et les mini-bassins (variation de la subsidence en fonction de la charge sédimentaire).

Interaction diapirisme sédimentation

Les interactions entre diapirisme et sédimentation sont liées à la croissance des rides diapiriques mais aussi à l’évolution générale du système sédimentaire. Dans le secteur d’Imilchil elles peuvent être regroupées en quatre prismes de dépôts définis par leurs caractéristiques géométriques et sédimentaires. Ces prismes de dépôts correspondent à une configuration du système sédimentaire, ainsi qu’à la position du diapir et de sa couverture (immergée, émergée, percement en surface du diapir) au moment du dépôt.

Les prismes de dépôts de type a sont marqués par la formation de discordances progressives. La croissance du diapir créé une subsidence différentielle qui provoque une convergence des couches en direction du diapir. Ces géométries sont à l’origine de fortes variations d’épaisseurs dont l’extension n’excède pas deux kilomètres.

Les prismes de dépôts de type b font suite à la progradation de la plate-forme carbonaté. Ils s’appliquent à des systèmes carbonatés plus proximaux dans lesquels la topographie, créée par la croissance des diapirs, atteint des zones de production carbonatée significatives (Bosence, 2005).
Les discordances progressives sont alors associées à des variations de faciès qui se disposent de manière symétrique autour des rides. Les faciès les plus proximaux composés dépôts de barrière oolitique et de plate-forme externe proximale (oncolites) vont se développer à proximité des diapirs tandis que les bioconstructions récifales sont reléguées dans le cœur des minibassins ou sur les flancs des diapirs. Elles colonisent le toit des rides diapiriques uniquement lors de l’installation de la plate-forme carbonatée de Bin El Ouidane 3.

Les prismes de dépôts de type c s’inscrivent dans le processus de comblement du bassin atlasique, ils sont déterminé par l’émersion continue ou épisodique du toit des rides diapiriques.
Cette configuration produit deux géométries péridiapiriques, les prismes de dépôts de type c1 et c2. Ces prismes de dépôts impliquent, en plus de discordances progressives et de variations de faciès, la formation de discordances angulaires et le dépôt de niveaux conglomératiques qui font suite à l’érosion des sédiments situé sur les rides.

Les prismes de dépôts de type d voient le diapir percer la couverture sédimentaire. Cela implique un contact sédimentaire entre le diapir et les dépôts composant les prismes de type d, ainsi que la formation de brèches polygéniques issue de l’érosion du diapir et de la couverture sédimentaire.

Implication pour la recherche pétrolière

Les bassins salifères contiennent des réservoirs pétroliers parmi les plus prolifiques du monde (Afrique de l’ouest, mer du nord, golfe du Mexique).
Les opportunités d’exploration pétrolières y sont facilitées par les propriétés particulières des dépôts évaporitiques (imperméabilité, conductivité thermique entre autre). Ce sont par contre des systèmes pétroliers complexes, très hétérogènes, dont la distribution des niveaux réservoirs est perturbée par l’halocinèse. Leur compréhension dans le but de construire des modèles réservoirs prédictifs nécessite l’étude d’analogues de terrain. C’est dans cette optique que nous avons analysé l’impact de la tectonique salifère sur les systèmes de dépôts carbonatés et mixtes. Il apparait alors que les faciès granulaires de haute énergie ainsi que les bioconstructions récifales massives se situent autour des rides diapiriques tandis que le centre des mini-bassins concentre plutôt les dépôts de basse énergie. Toutefois l’influence des diapirs est très locale (hectométrique à kilométrique) et elle reste soumise à des contraintes plus globales (polarité régionales du système de dépôt, afflux de sédiments terrigènes).

 

 

 

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