Juin 19 - Francis Delon - Université Bordeaux Montaigne

La Grande Loge Nationale Indépendante et Régulière pour la France et les Colonies Françaises (1910- 1940)

Doctorant:  Monsieur Francis DELON

 

Lieu et date: Maison de La Recherche - salle des thèses (001) - Pessac
Le 19 juin 2018 à 13h30

Résumé:

 

Après la chute du Premier Empire en 1815 et l’avènement de régimes monarchiques et autoritaires, la Franc-Maçonnerie française a emprunté une voix progressiste qui l’a conduit à remettre en cause les deux principes des Constitutions d’Anderson de 1723 : l’obligation de la croyance en Dieu et l’apolitisme.
Devenu à partir de 1870 l’un des principaux soutiens du nouveau régime républicain, le Grand Orient de France, la principale obédience maçonnique française, considéra alors qu’il n’avait plus à mentionner dans sa Constitution des doctrines ou des dogmes religieux.
En conséquence, en septembre 1877, son Convent (assemblée générale annuelle) se prononça pour la suppression de l’obligation de la croyance en Dieu et en l’immortalité de l’âme.
Cette décision, considérée aussitôt par les Grandes Loges des Îles Britanniques (Irlande et Écosse en octobre-novembre 1877 puis Grande Loge Unie d’Angleterre en mars 1878) comme un abandon de la première règle de la Franc-Maçonnerie, les conduisit à rompre leurs relations avec le Grand Orient de France.
Toutefois, si la Grande Loge Unie d’Angleterre (G.L.U.A.) ne reconnut plus désormais comme « régulière » toute obédience ralliée à ces nouvelles conceptions, elle reçut toujours dans ses loges les visiteurs qui en étaient issus sous réserve qu’ils réaffirment solennellement leur croyance personnelle au Grand Architecte de l’Univers.
N’intervenant pas également dans les relations extérieures des Grandes Européennes, elle les laissa poursuivre leurs échanges avec les deux obédiences françaises « irrégulières », le Grand Orient de France et la Grande Loge de France.
Consciente, au lendemain de la Première Guerre Mondiale de l’urgence à sortir de cette ambigüité, la G.L.U.A. promulgua, en 1929, les Basic Principles, les huit critères fondamentaux auxquels devait désormais souscrire toute obédience désireuse de se faire admettre au sein de la communauté des Grandes Loges « régulières ».
En France, la seule obédience qui répond à ces critères est la Grande Loge Nationale Française (G.L.N.F.), fondée en 1913 sous la dénomination de Grande Loge Nationale Indépendante et Régulière pour la France et les Colonies Françaises (G.L.N.I.R.) et qui porta ce nom jusqu’en 1948.

L’objet de cette thèse est d’abord de montrer, comment après le vote de la loi de séparation entre l’Église et l’État en 1905, le projet d’un petit nombre de Francs-Maçons, membres des hauts grades, de réintroduire au sein du Grand Orient de France des conceptions plus traditionnelles fondées sur le message « évangélique » du Régime Écossais Rectifié conduisit à la formation en 1913 d’une nouvelle obédience, la G.L.N.I.R.
Ce travail tente ensuite d’étudier le processus qui a conduit, en un quart de siècle, la transformation de celle-ci en une Grande Loge composée en majorité de ressortissants britanniques et acquise aux critères de « régularité » imposées par la G.L.U.A., nonobstant le dessein initial de ses fondateurs.

En raison de sa position longtemps marginale dans le paysage maçonnique français, l’histoire de la G.L.N.F. a longtemps été considérée avec une certaine condescendance par les autres obédiences tandis que ses « historiens » internes relataient en termes hagiographiques ce rétablissement inespéré d’une Maçonnerie traditionnelle et régulière, dans un contexte dominé alors par le combat de la majorité des Frères contre le cléricalisme.
En raison de la rareté des sources disponibles, les historiens universitaires ne lui ont d’ailleurs longtemps consacré que quelques pages dans leurs histoires générales de la Franc-Maçonnerie française.

S’inscrivant dans le prolongement de travaux pionniers amorcés depuis le début des années 2000 et poursuivis à l’occasion du centenaire de l’obédience, cette thèse s’appuie presque exclusivement sur des sources primaires qui n’ont été que rarement voire jamais exploitées :
- les archives de la G.L.N.F. composées des archives des instances dirigeantes rapatriées de Russie (série AR) et des archives des loges et de l’administration centrale, notamment la correspondance échangée avec les Grandes Loges étrangères, qui avaient échappé au régime de Vichy et à l’occupant Nazi (série WB) ;
- le Fonds Édouard de Ribaucourt (Papiers du fondateur de la G.L.N.I.R., conservés par la Grande Loge Traditionnelle et Symbolique « Opéra » et représentant un ensemble de 5500 documents remis en 2005 par son petit-fils) ;
- les archives russes du G.O.D.F. et de la Grande Loge de France.

La première partie est consacrée aux tentatives de créer, au sein la Franc-Maçonnerie française, des loges apolitiques et symboliques en adéquation avec les critères anglo-saxons. Les difficultés rencontrées au G.O.D.F. par le Rite Écossais Rectifié, en raison de son caractère chrétien, conduisit Le Centre des Amis à s’ériger en une Grande Loge souveraine aussitôt reconnue par la G.L.U.A. qui, depuis les années 1910, souhaitait le rétablissement d’une Franc-Maçonnerie « régulière » en France.

La seconde partie met l’accent sur l’échec du projet de Grande Loge francophone traditionnelle que devait incarner la G.L.N.I.R. en raison des divisions des Francs-Maçons de Rite rectifié, de son impossibilité à rallier d’autres courants maçonniques spiritualistes et de l’incompréhension voire de l’hostilité des membres britanniques devenus rapidement majoritaires.

La troisième partie s’attache à la transformation de la G.L.N.I.R. en obédience de type anglo-saxon et à la position originale qu’elle occupa au sein de la Franc-Maçonnerie française avec ses travaux uniquement rituels, ses Loges d’Instruction et de Recherche et la reconnaissance internationale dont elle bénéficia auprès des Grandes Loges de l’Empire britannique.

footer-script