Alexis Gorgues, archéologue, décrit la vie des sociétés de la Protohistoire - Université Bordeaux Montaigne

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Alexis Gorgues, archéologue, décrit la vie des sociétés de la Protohistoire

Alexis Gorgues est archéologue. Il s’intéresse à l’organisation sociale des sociétés entre l’âge du Bronze et l’âge du Fer. Enseignant consciencieux, il tient à former au mieux ses étudiant·e·s.

Spécialiste des périodes de transition

Alexis Gorgues est archéologue spécialiste de la Protohistoire. Il travaille sur les sociétés de l’âge du Bronze et de l’âge du Fer (2e et 1er millénaire avant J.-C.) dans la région du sud-ouest de l’Europe (sud de la France et péninsule ibérique).

Ce chercheur étudie l’émergence de certaines formes d’organisation sociale (morphogenèse) et la manière dont elles évoluent au cours du temps (morpho-dynamiques). Son travail porte également sur les échanges entre des populations aux cultures très différentes et sur les rapports entre société et espace.

Alexis Gorgues s’intéresse particulièrement aux populations du 1er millénaire avant J.-C. dans la période de transition entre l’âge du Bronze et l’âge du Fer. Il tient à montrer que ces deux périodes ne sont pas si différentes comme peuvent le penser certain·e·s chercheur·euse·s, puisque selon lui, les changements caractéristiques des sociétés de l’âge du Fer prennent racine à l’âge du Bronze. La transition a été lente : environ 700 ans, c’est le temps qui nous sépare du Moyen-Âge.

« Avant, j’avais en tête cette idée qu’avec l’âge du Fer émergent de nouvelles structures sociales totalement différentes de celles qui existaient avant. Dans le cadre de ma thèse, au début des années 2000, je travaillais sur la période de la fin de l’âge du Fer. Mon parcours m’a amené à m’intéresser à un site situé dans la Montagne Noire (Hérault), originellement daté de la fin de l’âge du Bronze (environ 800 avant J.-C.) et qui fut occupé jusqu’au premier âge du Fer. C’était là un terrain favorable pour étudier les structures sociales du tout début de l’âge du Fer. En fouillant ce site, nous avons trouvé tout ce que nous n’étions pas censés y trouver : tous les éléments caractéristiques du plein âge du Fer, comme les remparts en pierre. Je ne croyais pas à mes propres résultats. Depuis, ce qui m’intéresse ce sont les périodes de transitions. »

Comment vivait une société en l’an 1000 avant J.-C. ?


Le site archéologique de Malvieu est particulièrement difficile d'accès. Cliché S. Syllac
Depuis le 1er septembre 2017 Alexis Gorgues se consacre au projet de recherche suivant : Morphogenèses et morpho-dynamiques des communautés de l’âge du Fer méditerranéen (vers 1150/500 avant J.-C.)

Concrètement il travaille sur les données issues du chantier de fouille de Malvieu (Hérault) récoltées entre 2001 et 2014. Entouré d’un mur d’enceinte, ce site fortifié se trouve en hauteur. Sa première occupation date de la fin du 2e millénaire avant J.-C. soit aux alentours de l’an 1000 avant J.-C.. Il a des caractéristiques exceptionnelles pour l’époque. En effet, les formes d’habitats retrouvées se rapprochent beaucoup de celles qui émergent durant l’âge du Fer, notamment un mur d’enceinte et de grandes maisons (l’une d’entre elles fait plus de 80 m²). C’est d’autant plus remarquable que le site se trouve en région montagneuse, sur des pentes à 40 %. De nos jours plus personne ne vit dans ces zones. Ce qui soulève bon nombre d’interrogations : pourquoi habiter dans un endroit aussi peu hospitalier ? Pourquoi construire d’aussi grands édifices ? La première hypothèse est que la communauté qui vivait là a choisi ce lieu pour sa position défensive forte. Cependant, il existe des positions aussi fortes mais plus faciles à aménager, ce qui conduit à une seconde hypothèse. Probablement que cette communauté voulait montrer sa cohésion ainsi que ses savoir-faire techniques. Il est également possible que cette population ait voulu marquer le paysage d’un site visible de très loin.

Le but de ce projet de recherche est de comprendre comment apparaît cette forme d’organisation sociale, quel était la vie quotidienne de ces personnes dans cette région aux pentes si abruptes, quelle a été l’influence des échanges dans la vie socio-économique des communautés qui vivaient là, enfin comment cette population a-t-elle disparu ? Les réponses à ces questions sont plus subtiles et complexes que prévu. Il est donc nécessaire de récolter de nouvelles données de terrain. C’est pourquoi le chantier de fouille a repris au cours de l’été 2018.


Le site de Malvieu vers 650 a.C. Proposition de restitution. Le rempart est bien connu, mais seule une partie des édifices ont été identifiés en fouille. Tous ceux de la partie haute sont restitués sur la base hypothétique d'une densité de population identique à celle connue pour la partie basse. Infographie Florent Comte, AusoHNum, UMR 5607 Ausonius - Cliquez pour agrandir la photo.

Fouille intensive et extensive, quelles différences ?


Fouilles 2018 à Malvieu. Cliché M. Bar Zemer
Notons que le site de Malvieu est une des rares agglomérations fortifiées datant de la fin de l’âge du Bronze (première moitié du 1er millénaire avant J.-C.) qui ait été découverte. Pourquoi ? Parce que, selon Alexis Gorgues, les méthodes employées pour réaliser les fouilles archéologiques influencent les résultats. En effet, le chantier qu’il a dirigé à Malvieu est une fouille dite « en extension » qui consiste à explorer simultanément de larges surfaces. A l’opposé, le principe de la fouille dite « intensive » est de se concentrer sur une surface réduite. Les archéologues pratiquaient beaucoup la fouille intensive et ne retrouvaient que des maisons de 9 m², mais la taille des aires de fouille n’excédait alors pas 10 m². « Aujourd’hui, grâce à des aires de fouilles plus grandes, comme sur ce site où deux aires font 2 000 m² cumulées, nous avons retrouvé des maisons de 80 m². » Le choix de la méthode dépend également du terrain : un chantier archéologique en montagne se fait dans des conditions d’autant plus difficiles que la zone est étendue. Ce qui a amené les chercheur·euse·s à penser que ce genre d’habitation ne se trouve qu’en plaine, où la fouille en extension est plus utilisée. Le site de Malvieu, situé en montagne, démontre le contraire. Selon Alexis Gorgues il faut faire très attention car « la méthode employée pour la fouille influence directement les découvertes et donc la représentation que l’on a de ces sociétés. »

Ses étudiant·e·s : de précieu·se·s collaborateur·ice·s

Alexis Gorgues a aussi une casquette d’enseignant qu’il enfile volontiers pour deux raisons.


Fouilles 2018 à Malvieu. Cliché M. Bar Zemer
D’une part l’enseignement est sa « mission. » Alexis Gorgues s’applique à être le plus clair possible dans son enseignement afin que chaque personne qui vient apprendre l’archéologie à l’université, et même si il·elle ne devient pas archéologue, comprenne l’archéologie. La grande difficulté de cet enseignement est l’étude de phénomènes dynamiques à partir de sources statiques. C’est pour cette raison qu’il a introduit des vidéos dans ses cours, avec des résultats très satisfaisants. Alexis Gorgues pense qu’il est important de bien former les étudiant·e·s, et ce dès la L1, car « pour avoir de bon·ne·s étudiant·e·s de master et de thèse, nous avons besoin de bon·ne·s étudiant·e·s de licence. » Il a d’ailleurs participé à la création d’un parcours sciences archéologiques qui commence dès la première année de licence.

Il explique d’ailleurs : « Mes étudiant·e·s de licence sont aussi mes collaborateur·ice·s sur le terrain. Quand je pars en stage de fouille ce sont elles·eux qui viennent avec moi. Mieux ils·elles sont formé·e·s, meilleur·e·s sont mes collaborateur·ice·s et de meilleure qualité est mon opération scientifique. En archéologie il est difficile de dissocier formation et recherche, car les étudiant·e·s sont formé·e·s très tôt en participant à la recherche. »

Alexis Gorgues est membre de l’UMR Ausonius et a obtenu une délégation CNRS du 1er septembre 2017 au 31 août 2018 qui a été renouvelée pour une année supplémentaire. Ceci permet au chercheur de se consacrer à son projet de recherche.

Lexique
  • Archéologie : étude des populations du passé au travers du registre matériel.
  • Morphogénèse et morpho-dynamique : deux notions importées respectivement de l’archéologie médiévale et de la géologie. Elles désignent l’émergence de certaines formes d’organisation sociale (morphogenèse) et la manière dont elles évoluent au cours du temps (morpho-dynamiques).
  • Fouille extensive et intensive : une fouille dite « en extension » qui consiste à explorer simultanément de larges surfaces. A l’opposé, le principe de la fouille dite « intensive » est de se concentrer sur une surface réduite.
  • Chantier de fouille : un chantier de fouille regroupe plusieurs aires de fouilles. Ce terme est plus souvent utilisé pour désigner le moment de la fouille plutôt que le lieu de la fouille, on préfèrera dans ce cas parler de zone ou d’aire de fouille.

Frise chronologique de l'INRAP

Article rédigé par Bérangère Subervie, étudiante Master 1 Médiation des sciences et stagiaire à la direction de la communication de l’Université Bordeaux Montaigne.

  

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Alexis Gorgues sur le site de Malvieu durant la campagne de fouilles 2018. Cliché M. Bar-Zemer

Durant tout le mois de juillet 2018, les fouilles archéologiques du site de Malvieu (Hérault), dirigées par Alexis Gorgues, maître de conférences en archéologie protohistorique – UMR Ausonius, ont fait l’objet d’une fructueuse collaboration internationale entre l’Université Bordeaux Montaigne et l’Institute for Field Research de Los Angeles.

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