Du 22 novembre 2019 au 31 janvier 2020
Mis à jour le 19 mai 2020
Le 21 novembre 2019 ont débuté des fouilles au musée d'Aquitaine ayant pour but d'élucider un mystère qui taraude les historiens et les Bordelais depuis fort longtemps : où se trouve le tombeau de Michel de Montaigne ?
Une équipe de recherche transdisciplinaire et inter-universitaire a été créée dans la perspective de l’ouverture du tombeau présumé du philosophe qui se situerait au musée d'Aquitaine. Les chercheurs de l’Université Bordeaux Montaigne, par le biais des laboratoires Ausonius, Archeovision et CEMMC, ainsi que Anne-Marie Cocula (qui fut présidente de l'université), participent à cette enquête qui permet de mieux comprendre l’histoire de cette figure tutélaire de notre ville et de notre université.
Découvrir l'équipe scientifique qui mène à bien la fouille archéologique du tombeau de Montaigne.
Cette ouverture s’est effectuée le lundi 18 novembre sous la responsabilité d’Hélène Réveillas, archéoanthropologue du centre d’archéologie préventive de Bordeaux Métropole et en présence de Laurent Védrine, directeur du musée, Michel Pernot, ancien directeur de recherche au CNRS, Marie-France Deguilloux paléogénéticienne et Pascal Mora du laboratoire Archeovision.
Un tube en plomb contenant une bouteille en verre a été trouvé, cette bouteille pourrait contenir un des trois exemplaires du procès-verbal d’inhumation de Michel de Montaigne.
Grâce au descellement du tombeau, l’équipe scientifique a pu être à même de déchiffrer le nom de Montaigne peint sur le cercueil ainsi que les nombres "24/12/80". Cette annotation pourrait faire référence à la date de l’exhumation du philosophe, du couvent des Feuillants vers le cimetière de la Chartreuse, soit le 24 décembre 1880.
À l’intérieur du cercueil en bois, se trouvait un autre cercueil en plomb, fermé hermétiquement et ne portant aucune inscription. Cette découverte a nécessité le concours de Michel Pernot, directeur émérite au CNRS et spécialiste de la métallurgie. Il va donc falloir ouvrir et analyser le cercueil de plomb en préservant les ossements qu’il contient. Cette trouvaille freine quelque peu la fouille du tombeau qui devrait reprendre au début de l’année 2020.
Depuis 1992, l’Unité Mixte de Service Archeovision travaille avec les acteurs des Sciences Humaines et Sociales qui souhaitent introduire une composante 3D dans leurs projets. Au cœur du campus de l’Université Bordeaux Montaigne, cette UMS a déjà été amenée à travailler sur la
numérisation d’une partie du patrimoine de Michel de Montaigne.
La tête du cénotaphe du philosophe avait été numérisée, il y a dix ans. Par ailleurs en 2012, en collaboration avec l’université de Tours, ils ont procédé à la numérisation de la librairie (bibliothèque) de Michel de Montaigne qui se situait dans la tour de son château. Ce travail a permis à l’archéologue Alain Legros de mettre à jour l’importance des sentences, en latin et en grec, sculptées sur les poutres de la libraire ; en postulant sur le fait que lorsqu’il réfléchissait, le philosophe marchait en rond et lisait ces devises.
Archeovision a aussi réalisé un portrait en trois dimensions de Montaigne en mélangeant le portrait numérisé du cénotaphe et un portait effectué par le peintre et dessinateur François Quesnel.
Le 23 septembre 2019, une équipe du laboratoire a procédé à la numérisation du tombeau pour comprendre son positionnement dans le musée d’Aquitaine et pour savoir s’il se trouvait parfaitement en dessous du cénotaphe. Par la suite, Pascal Mora, du laboratoire Archeovision, lors de l’ouverture du tombeau, a effectué sa numérisation grâce à la photogrammétrie. Ce procédé consiste à prendre un grand nombre de photographies, ensuite traitées par un logiciel qui reconstitue une image en trois dimensions.
Le laboratoire a par ailleurs, pour projet de s’associer avec la start up HoloForge Interactive afin de créer un projet en réalité mixte pour le musée d’Aquitaine. Nantis de lunettes adaptées, le public pourra voir un hologramme de Michel de Montaigne interagir avec un médiateur.
En parallèle, un autre défi se profile : il faut s’assurer que la dépouille est bien celle de Michel de Montaigne. La paléogénéticienne Marie-France Deguilloux va procéder à l’analyse des os retrouvés dans le tombeau. Il faudra ensuite les comparer avec l’ADN des descendants du philosophe.
C'est là qu'intervient Laurent Coste, spécialiste de l’histoire moderne du 16e au 18e siècle et rattac
Acte passé en 1607 entre le couvent des feuillants de Bordeaux et Françoise de La Chassaigne, veuve de Michel de Montaigne. Archives départementales de la Gironde, H 2057.hé au Centre d'études des mondes moderne et contemporain (CEMMC) à l’Université. Il étudie actuellement l’arbre généalogique de Michel de Montaigne. Il doit trouver les descendants féminins du philosophe (car bien évidemment, au contraire de la paternité, on ne peut remettre en cause la filiation maternelle) en étudiant les actes de naissance de la famille et leurs mentions marginales. Les mentions marginales sont des annotations qui figurent en marge de l’acte de naissance et viennent le modifier ou le compléter : mariage, divorce, décès, perte de la nationalité…
Malgré la difficulté d’un travail de généalogie à rebours, Laurent Coste a réussi a reconstituer la filiation de Montaigne jusqu'au début du 20e siècle. Mais il devra faire face à un autre obstacle : pour favoriser le respect de la vie privée, il faut attendre 100 ans pour que les archives soient déclassifiées, de sorte que pour avoir accès aux actes de naissance postérieur à 1919, il est nécessaire de demander une dérogation.
Nous sommes donc dans cette attente.
L’ouverture du tombeau de Montaigne est une aventure qui ne fait que commencer et qui promet bien des rebondissements.
Il est possible tous les jours à partir de 16h00 et ce jusqu'au dimanche 24 novembre, de rencontrer des conservateurs et des médiateurs au musée d'Aquitaine pour échanger et poser des questions sur cette intrigante enquête.
[MONTAIGNE ACTU #3]
— Musée d'Aquitaine (@MuseeAquitaine) November 22, 2019
🎥3e et dernier épisode de cette semaine riche en découvertes ! Le tombeau présumé de Montaigne n'a pas fini de livrer ses secrets. Dans sa partie inférieure, les archéologues ont mis au jour un crâne et une mandibule...🤔 ⤵️https://t.co/osNO8OjQZs pic.twitter.com/9z7pSxyl25
Propos recueillis et article rédigé par Sophie Bouchet, direction de la communication de l'Université Bordeaux Montaigne