Les voies d’Aliénor : partager l’histoire autrement - Université Bordeaux Montaigne

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Les voies d’Aliénor : partager l’histoire autrement

 Illustration d'Aliénor d'Aquitaine au centre de logos de réseaux sociaux.

"Les voies d’Aliénor" est un dispositif transmédia inédit qui permet de découvrir de manière ludique l’incroyable histoire d’Aliénor d’Aquitaine. Ses conceptrices Jessica de Bideran et Mélanie Bourdaa, nous parlent de ce projet riche et passionnant.

Les voies d'Aliénor propose une immersion dans l'histoire de manière récréative grâce à une diversité de supports. Cela permet d’aborder des sujets fascinants tels que l’histoire de l’Aquitaine et la condition de la femme au Moyen Âge.

Quelle a été la genèse du projet ?

Ce projet est né d’un programme de recherche-action, MediaNum, dirigé par Mélanie Bourdaa et financé par la Région Nouvelle-Aquitaine de 2016 à 2019. La question au cœur de notre programme de recherche est la suivante : comment les stratégies communicationnelles des industries culturelles, et plus concrètement le Transmedia Storytelling, peuvent-elles s’appliquer à des terrains tels que ceux des institutions culturelles et patrimoniales ? Pour cela, nous avons créé notre propre narration multi-plateformes, à destination tout d’abord des publics scolaires, puis depuis quelques mois, à destination d’un plus large public.

Quelle est l’équipe qui porte ce projet à l’université ? Quels sont vos différents partenaires ?

L’équipe, pluridisciplinaire, est composée d’enseignants-chercheurs de l’Université Bordeaux Montaigne, chacun apportant leur spécialité au projet : Myriam Bahuaud et Agnes Pecolo sur les publics jeunes, Katy Bernard sur l’Occitan et la vie l’Aliénor d’Aquitaine et Philippe Araguas professeur Émérite en Histoire Médiévale. Deux chercheurs post-doctorants participent également au projet : Florent Favard a travaillé sur l’état de l’art des stratégies transmédiatiques exploitées dans le domaine culturel et Jessica de Bideran nous accompagne sur le développement des dispositifs numériques patrimoniaux. Enfin, deux étudiants stagiaires ont récemment travaillé sur l’extension multimédiatique de la stratégie (Marie-Julie Coquilhat du Master Conception de Projet Numérique et Multimédia et François Lemoine du Master Ingénierie de Projets Culturels et Interculturels).

Soutenues depuis 2018 par la Drac Nouvelle-Aquitaine, nous travaillons en étroite collaboration avec la DAAC (Délégation académique à l'éducation artistique et culturelle) du Rectorat de Bordeaux et d’autres structures culturelles telles que le CLEM Patrimoine, un centre de médiation dédié au patrimoine girondin.

Quel est l’objectif du projet des voies d’Aliénor ?

L’objectif est de valoriser le patrimoine matériel et immatériel de la région Nouvelle-Aquitaine en utilisant une narration multi-plateformes. Nous avons collectivement décidé de centrer cette narration sur Aliénor d’Aquitaine, car d’une part les frontières de son duché correspondaient peu ou prou aux frontières de la Nouvelle-Aquitaine actuelle, et d’autre part, la richesse de sa vie nous permettait d’aborder plusieurs aspects du Moyen Âge et d’ouvrir des potentialités scénaristiques.

Pour cela nous avons attribué des moments de vie d’Aliénor à des lieux, selon le célèbre principe de la carte et du territoire, puis nous avons intégré des personnages clés à ces moments : son enfance à Poitiers avec sa nourrice (seul personnage fictif) et son grand-père, Guillaume IX ; son mariage avec le futur Louis VII à Bordeaux, sous le regard de l’évêque Geoffroy de Louroux, sa captivité, évoquée par la forteresse de Blaye, lors de son second mariage avec Henri II et, enfin, sa fin de vie où nous évoquons le décès de son fils Richard Cœur de Lion à Châlus et ses conflits avec Jean Sans Terre. La narration est contée par Bernard de Ventadour, troubadour ayant vécu dans le faste de sa cour, qui va entraîner les publics dans l’histoire.

Quel est le but des différents dispositifs ? Qu’apportent leurs multiplicités ?

L’objectif d’une stratégie transmédiatique est d’éclater une narration sur plusieurs supports, numériques ou non. Ici, chaque support de la stratégie vient raconter un moment de vie d’Aliénor, en utilisant le point de vue des différents personnages créés.

Les cartes personnages, le site Internet et la carte du territoire permettent de découvrir l’univers narratif qui sera ensuite déployé. Ils ouvrent des possibles narratifs. Ces dispositifs sont ainsi exploités depuis 2017 par différentes classes du rectorat de Bordeaux dans le cadre des actions d’Education Artistique et Culturelle (EAC). À partir de ces outils, enseignants et élèves s’engagent dans une découverte du patrimoine médiéval de proximité et produisent différents outils de valorisation (jeux, bande dessinée, application de visite, etc.)

D’autres outils en ligne ont été plus récemment créés. Ainsi le blog de la nourrice permet de développer l’enfance au Moyen Âge. Des podcasts, hébergés sur un compte soundcloud à l’image de Bernard de Ventadour, relayent des entretiens avec les personnages qui ont marqué les moments de vie l’Aliénor (sa nourrice, Louis VII, Henri II et Richard Cœur de Lion). Enfin, l’instagram de Bernard de Ventadour permet d’expliquer les us et coutumes des troubadours à l’époque d’Aliénor sous forme de mèmes, détournements iconographiques caractéristiques de la viralité des contenus sur le web.

Cette narration biographique se conclut par une lettre fictive écrite par Aliénor au moment de sa mort à Fontevraud, réalisée par une association spécialisée dans la calligraphie et exposée à la Mairie de Créon au moment de la représentation du spectacle Le Testament d’Aliénor.

En plus de tous ces supports, des pages Facebook personnages avec des playlists Youtube permettent de parler de différents aspects du Moyen Âge :

  • la religion,
  • l’amour courtois,
  • la chevalerie,
  • la royauté,
  • les croisades,
  • la politique
  • l’héritage.

Une page Facebook du projet vient agréger tous ces contenus en un seul lieu.

De nouveaux supports médiatiques sont également en cours de développement : l'équipe produit actuellement des tutoriels vidéos sur différents aspects de la création artistique au Moyen Âge (enluminure, costume, poésie troubadour, etc.).

Comment se déroule la conception d’un projet transmédia ?

Parce que ce projet s’inscrit dans un contexte de valorisation patrimoniale, la première démarche a été de faire des recherches documentaires et scientifiques ; celles-ci ont été supervisées par Katy Bernard avec l’aide de Philippe Araguas. À partir de ces différents « brainstorming », nous avons ensuite imaginé une narration et un univers narratif avec des pistes à exploiter sur différents médias.

Le point central, c’est l’histoire que l’on raconte. Nos discussions ont également tourné autour des publics à viser : quel média pour quel public ? Nous avons construit l’architecture transmédiatique qui s’étoffe d’année en année, soit de notre fait, soit par les créations des publics scolaires qui produisent des contenus en ligne.

L’extension récente de la narration transmédiatique a d’autre part supposé la création d’une timeline nous permettant de diffuser les contenus sur un temps étiré, de septembre à novembre 2019. La difficulté a résidé dans la rédaction de ces différents contenus puisqu’il fallait non seulement coller à l’Histoire, mais aussi publier ces derniers dans un temps donné. 

Ce dispositif s’adresse-t-il à un public particulier ?

Au départ, la stratégie s’adresse aux publics scolaires. Les Voies d’Aliénor sont exploitées depuis 2017 par différentes classes de l’académie de Bordeaux dans le cadre de projets EAC. L’avantage de ces publics scolaires est leur aspect « captif ». Nous avons ainsi pu expérimenter les outils, la ligne éditoriale, les contenus, et les faire évoluer.

Cela nous a aussi permis de mesurer l’engagement des classes et l’implication des publics dans ce type de projet transmédiatique. Cette année, 11 classes se sont inscrites auprès du rectorat pour suivre cette action. Nous les accueillerons prochainement au sein du Cis Design & MediaLab dans le cadre d’un court stage d’initiation. L’objectif pour les enseignants est de s’emparer des outils que nous leur mettons à disposition pour construire leurs séances, imaginer leur propre narration et faire produire des contenus à leurs classes. Quelques-unes de ces créations sont rassemblées sur le site Internet.

Grâce à l’extension transmédiatique de ces derniers mois, la stratégie multi-plateforme s’adresse désormais aux institutions culturelles – nous sommes suivies et relayées par le Musée d’Aquitaine de Bordeaux, le Musée de Cluny – Musée national du Moyen Âge, ou encore le Centre des Monuments Nationaux - ainsi qu’aux férus de Moyen Âge puisque nous sommes également suivis par plusieurs influenceurs sur ce sujet.

Êtes-vous partenaire du spectacle : Le testament d’Aliénor ?

Le Testament d’Aliénor est partie intégrante de la stratégie puisque le spectacle vient conclure notre histoire en proposant un retour sur la vie d’Aliénor à travers une discussion entre le personnage et son fils Jean Sans Terre après leur mort. Le partenariat s’est fait naturellement puisque Katy Bernard, co-auteure du spectacle, fait partie de l’équipe projet et a été précieuse dans l’écriture des contenus des différents dispositifs.

Ainsi, avant la représentation du 16 novembre 2019, nous proposions un atelier d’enluminure animé par le centre de médiation CLEM à destination des publics scolaires de la ville de Créon à partir de la vraie-fausse lettre d’Aliénor que nous avions faite produire par l’association Lettres et Images de Gradignan. Nous l'avons mise à disposition des élèves et des différents publics qui se sont rendus à l’exposition qui accompagnait le spectacle

Les voies numériques d'Aliénor :
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Soundcloud
Youtube

Propos recueillis auprès de Mélanie Bourdaa et Jessica de Bideran par Sophie Bouchet, monitrice web à la direction de la communication.

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