Annotation ouverte de livres numériques : une expérience inédite d’OpenEdition Books - Université Bordeaux Montaigne

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Annotation ouverte de livres numériques : une expérience inédite d’OpenEdition Books

Depuis février 2019, la plateforme de livres numériques OpenEdition Books s’est lancée dans une expérimentation « d’annotations ouvertes » dont le principe est simple : pour une sélection de livres scientifiques, lectrices et lecteurs ont la possibilité d’apposer des commentaires et des critiques concernant les idées qui composent les publications.

L’annotation ouverte encourage le dialogue scientifique

Cette expérimentation se réalise dans le cadre du projet européen HIRMEOS dont fait partie OpenEdition. Ce projet consiste en l’intégration simultanée et coordonnée, sur cinq plateformes européennes, de services à valeur ajoutée autour de l’objet de publication que sont les monographies, plus particulièrement issues des disciplines des sciences humaines et sociales et diffusées en accès ouvert.

L’un de ces cinq services correspond à la fonctionnalité d’annotation. Son intégration sur OpenEdition Books s’accompagne alors d’une phase expérimentale dont l’objectif est d’explorer de nouveaux processus d’évaluation ouverte par les pairs post-publication.

L’annotation ouverte, pratique encore peu répandue dans la communauté académique, est ici appréhendée comme une façon d’encourager le dialogue scientifique. Dans le cas présent, le projet a choisi d’intégrer l’outil Hypothesis à son interface. Un partenariat a été mis en place afin de créer des groupes d’annotation spécifiques à cette expérimentation, offrant aux éditeurs un plus grand encadrement grâce, notamment, à des capacités de modération.

Parmi les livres choisis se trouvent deux ouvrages de chercheurs de l’Université Bordeaux Montaigne

Si vous souhaitez vous lancer dans l’annotation de ces ouvrages (ou d’autres ouvrages parmi les treize proposés), un guide utilisateur a été mis en ligne par OpenEdition.

Les auteurs témoignent

Nous avons interrogé Guillaume Hanotin et Olivier Le Deuff pour en savoir plus sur l’expérimentation et leur vision des pratiques d’annotation.

Tous deux, comme de nombreuses chercheuses et de nombreux chercheurs, ont adapté leurs propres pratiques d’annotation au contexte numérique.

À cette fin, O. Le Deuff utilise Diigo et, dans une certaine mesure, Twitter, tandis que G. Hanotin annote ses PDF via des signets et des mots-clés. Ils soulignent les facilités de collecte, de synthèse et d’organisation qu’offre l’annotation numérique. C’est ce qui aide le chercheur à « produire quelque chose de nouveau ou de renouvelé dans des perspectives parfois différentes », selon O. Le Deuff.

La pratique elle-même de l’annotation ouverte est plus ou moins connue selon les disciplines.

Si l’historien G. Hanotin explique que, dans sa discipline, « les échanges à propos d'ouvrages sont rarement officiels et publics », O. Le Deuff est plus prolixe sur le cas des Sciences de l’Information et de la Communication : « Depuis quelques années, des dispositifs comme CommentPress permettent d'annoter des documents ou des ouvrages. (…) Sinon, la pratique est bien connue de la communauté des SIC et du document numérique puisque ça a été il y a déjà plus de dix ans le mode de fonctionnement du RTP-Doc mené par Jean-Michel Salaün qui a permis l'émergence de l'auteur collectif Roger Pédauque. Jean-Michel a continué à utiliser cette pratique notamment au sein du regretté master en architecture de l'information où les étudiants utilisaient déjà Hypothes.is. Il faut aussi mentionner le travail sur ces questions mené par Marc Jahjah. ».

Tous deux voient des avantages à cette pratique nouvelle

« Ouvrir véritablement le livre à une lecture studieuse, et donc commentée », « instaurer un dialogue avec les lecteurs et de permettre à l'auteur de débattre », « bénéficier des avis et des critiques des lecteurs ». Comme le dit G. Hanotin : « Lorsqu'on est attaché au débat scientifique conçu comme une méthode, cette possibilité d'annoter un ouvrage est un vrai plus ».

 

Comment les livres ont-ils été choisis ?

OpenEdition Books a travaillé avec trois maisons d’éditions volontaires (la Casa de Velázquez, ENS Éditions et les Presses de l’enssib), qui ont elles-mêmes sélectionné les ouvrages, avec l’accord des auteurs. Comme l’explique O. Le Deuff : « L'ouvrage papier s'étant bien vendu, c'était intéressant d'en proposer une version en open access et en même temps annotable. ».

 

Quelles sont les attentes des deux auteurs ?

O. Le Deuff y voit un intérêt pédagogique, au moins dans un premier temps, et l’occasion de réactualiser et interroger certains passages (son livre date de 2014). Il ajoute que, pour l’instant, les commentaires viennent surtout de spécialistes « Ce qui est assez normal, car l'annotation nécessite des compétences et peut-être un sentiment de légitimité car il y a une forme d'interpellation qui peut freiner le lecteur hésitant. ». Mais au-delà des remarques attendus de spécialistes du sujet, G. Hanotin voit le commentaire de livres scientifiques comme une façon de rendre publique la science, à une époque où « les raisonnements scientifiques sont remis en cause. (…) En tant qu'historiens, nous sommes souvent confrontés à l'avis et à l'opinion de particuliers. C'est courant dans notre discipline, c'est même ce qui la rend si visible dans la société. ». Pour cette raison, les commentaires de non-spécialistes ou de curieux sont aussi attendus.

Ils pensent tous les deux utiliser la matière fournie par les commentaires pour des publications ultérieures ou, pour O. Le Deuff, sur son blog. G. Hanotin va même plus loin en imaginant les pratiques scientifiques du futur : « Le temps viendra peut-être où nous citerons les annotations comme nous citons aujourd'hui les livres lorsque nous publions ».

L’expérimentation dure jusqu’en juin 2019. Pour toute information complémentaire, vous pouvez contacter l’équipe en charge du projet à l’adresse suivante : annotations @ openedition.org.

Julien Baudry remercie vivement Claire Dandieu, Guillaume Hanotin et Olivier Le Deuff pour leur collaboration à cet article.

Contact : Julien Baudry (julien.baudry @ u-bordeaux-montaigne.fr)

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