Avril 28 - Nour Ghediri Bourahla - Université Bordeaux Montaigne

Le discours critique chez Ibn Qutayba dans Adab al Kâtib

 

 

Doctorante : Nour El Houda Ghediri Bourahla

 

Date: 28 avril 2017 à 14h
Université Bordeaux Montaigne
Lieu:Maison de la Recherche
Salle des thèses

Résumé:

    Cette thèse de doctorat s’intéresse à la critique littéraire arabe à une époque ayant connu un essor florissant sur le plan culturel, littéraire et artistique. Il s’agit d’une étude analytique comparative d’un ouvrage considéré comme l’un des piliers de la littérature arabe, en l’occurrence Adab al-kâtib d’Ibn Qutayba.  
Par crainte de voir l’arabe éloquent tomber dans l’oubli face à l’avancée inéluctable du « dialecte », Ibn Qutayba l’auteur de cet ouvrage rédige un discours critique de façon inédite par rapport au reste de son œuvre. En effet, Adab al-kātib n’est pas uniquement conçu pour être un recueil de connaissances et de références en matière d’écriture ; il s’agit également d’en faire une défense solide contre ceux qui constituent un danger pour la langue et la littérature arabe. Son approche sur la critique de la prose a débouché, non seulement sur des bases de critique à travers lesquelles on peut juger les écrits, mais également sur tout un projet de fond qui a préparé le chemin pour les études critiques ultérieures de la prose.
S’agissant du cadre spatiotemporel, plusieurs événements semblent avoir provoqué la critique de l’auteur dans son ouvrage, à une époque marquée par un développement intellectuel sans précédent, et des transformations socioculturelles constantes. L’introduction du livre constitue elle-même un chapitre riche en matière de sujets abordés, à travers lesquels l’auteur désigne les diverses images qui caractérisent sa société.
Ce type de recherche nous ouvre un horizon qui permettra d’identifier les lignes de démarcation de l’approche d’Ibn Qutayba, mais aussi de découvrir nombre de secrets sur la critique de la prose arabe, qui était à l’époque moins avancée que celle de la poésie. Nous nous sommes dirigés vers ce sujet principalement afin de faire la lumière sur les raisons pour lesquelles Ibn Qutayba s’est intéressé à l’établissement de règles pour contrôler la prose en général et l’écriture des lettres officielles (al-rasāʾil al-dīwāniyya) en particulier. L’intérêt de cette étude réside donc dans le fait que l’essai de cet auteur, pour définir les origines théoriques de la prose, soit un essai original. Il réside de même dans l’importance de cette approche pour la littérature arabe aussi bien à l’époque abbasside qu’aujourd’hui.
Adab al-kātib offre ainsi, grâce à la richesse de son contenu, l’opportunité de satisfaire notre curiosité. À travers cette étude, nos préoccupations sont aussi bien liées à la forme de son discours critique qu’au fond :
Quelles sont les raisons ayant amené Ibn Qutayba à élaborer, à l’instar de la poésie, une approche critique de la prose ? Quelles sont les spécificités de son discours critique, et dans quelle mesure a-t-il réussi l’exercice ?
Pour essayer de répondre à ces interrogations, nous avons approfondi l’approche méthodologique, en raison de la complexité du thème étudié. Notre recherche porte principalement sur le rapport entre l’environnement de l’auteur et son approche de la prose. Nous avons privilégié une méthode à la fois descriptive, analytique, comparative et historique, afin d’étudier en profondeur l’ouvrage, mais aussi pour permettre au lecteur d’apprécier la diversité des images de la société proposées par l’auteur. La raison de ce choix réside dans notre volonté de mettre en évidence ce que cache le texte, d’éclairer et simplifier l’approche d’Ibn Qutayba, et dissiper certaines ambiguïtés auxquelles de nombreux lecteurs peuvent être confrontés en le lisant.
Ainsi, pour tenter de mieux cerner le discours critique d’Ibn Qutayba à travers son ouvrage Adab al-kātib, et de circonscrire son projet de renaissance de la langue et de la littérature arabes, nous avons organisé notre recherche en deux parties.
Dans la première, « Ibn Qutayba et la pensée critique », nous nous intéressons aux origines de l’orientation critique de la prose chez l’auteur, mais aussi au message de son discours et ses éléments. Dans un premier chapitre, « l’espace scientifique, critique et littéraire au temps d’Ibn Qutayba », nous abordons l’impact du contexte sur la vie de l’auteur, son enseignement et son œuvre. Nous évoquons également les particularités sociales, politiques, économiques et culturelles de l’époque afin de mettre l’accent sur le processus d’évolution de la première société abbasside depuis sa fondation. Ensuite, par souci d’objectivité, nous abordons les débuts linguistiques de l’ancien discours critique en retraçant brièvement le chemin parcouru par la critique arabe. En effet, l’exercice a commencé bien avant l’époque abbasside d’Ibn Qutayba, même si c’est à ce dernier que l’on doit la contribution la plus importante dans l’élaboration d’un discours critique de la prose. Il faut donc dévoiler la source chez les prédécesseurs dès l’époque préislamique jusqu’au premier état abbasside, en passant par l’époque omeyyade. Enfin, nous évoquons l’esprit critique dans les œuvres d’Ibn Qutayba pour vérifier s’il s’agit d’un élément présent dans l’ensemble de ses ouvrages ou d’une caractéristique propre à Adab al-kātib.
Dans un deuxième chapitre, « message du discours critique d’Adab al-kātib ». Nous étudions, analysons et commentons les images de la société abbasside telles que décrites par l’auteur, à commencer par l’aspect politique, socioéconomique, puis culturel. L’objectif est d’appréhender sa vision du problème de la régression de la littérature de son époque. Nous évoquons également le souci majeur de l’auteur concernant la conservation de la langue et du patrimoine arabes, et la mise en place d’une défense solide contre ce qui touche au sacré, en l’occurrence le mouvement al-šuʿūybiyya. Enfin, nous mentionnons le lien entre le discours critique et l’enseignement, en concentrant la réflexion sur les valeurs et leur rôle primordial dans la société islamique, selon la vision de l’auteur.
Dans un troisième chapitre, « les éléments du discours critique dans Adab al-kātib  », nous examinons les différents éléments qui caractérisent le discours critique de l’ouvrage, en commençant par l’image même de l’auteur à travers son ouvrage. Nous étudions ensuite le niveau artistique, puis le niveau linguistique et rhétorique, et enfin, le niveau psychocritique et ses relations avec le milieu social. Il s’agit d’étudier le discours critique comme un texte littéraire "artistique", rassemblant les différentes images décrites, qui, elles-mêmes réunies, forment au final une image artistique unique de l’ouvrage.
La deuxième partie de notre travail se porte sur le « discours critique comme projet culturel à la lumière de la connaissance scientifique, artistique et esthétique ». Il s’agit de mettre en évidence toutes les connaissances, qu’elles soient scientifiques, artistiques ou esthétiques, dont un écrivain a besoin dans son travail d’écriture, selon l’auteur.
Dans le premier chapitre intitulé « Ibn Qutayba et les conditions de l’écriture », nous étudions l’objectivité de l’auteur dans ses critiques à autrui. Nous étudions également, à partir de certains cas précis, les conditions de l’écriture proposées par l’auteur. Nous examinons comment il expose le texte sous la forme d’une construction linguistique qui exige une liaison logique entre ses différents éléments, pour mener la communication créative du discours critique. Il s’agit aussi de cerner le problème de la communication littéraire entre l’auteur et le récepteur. Ensuite, nous évoquons les fondements linguistiques du discours critique en nous focalisant sur l’une des questions les plus sensibles, déjà présente dans la critique poétique et que l’auteur a transmis dans son discours critique de la prose, à savoir al-tab’ wa-l-takalluf. Enfin, nous terminons par la crise de terminologie critique et le contexte linguistique dans lequel elle s’est développée.
Dans le deuxième chapitre intitulé « transcription, interprétation et transfert », nous abordons les différentes dimensions à savoir la transcription, l’interprétation et le transfert. Il s’agit d’aborder la crise de terminologie critique et la philosophie en lien avec les questions de traduction et d’interprétation. Il s’agit également d’évoquer la notion du critique et de l’autorité. L’autorité présente est celle de l’auteur dans son discours critique. Chaque auteur exerce une autorité plus ou moins importante sur le texte qu’il rédige, selon sa personnalité, son état psychique ou d’autres paramètres. La clarté et la force de communication ont aussi un rôle à jouer dans l’argumentation du discours critique.
Enfin, le dernier chapitre est intitulé : « Entre Adab al-kātib et ‘Uyūn al-ʾaẖbār ». Nous y examinons le lien entre Adab al-kātib et un ouvrage du même auteur paru ultérieurement intitulé ‘Uyūn al-ʾaẖbār. Dans ce dernier, les raisons ayant conduit à la rédaction d’Adab al-kātib y sont mentionnées. Il présente ‘Uyūn al-ʾaẖbār comme une suite, et, par conséquent, une source complémentaire pour ceux désireux d’acquérir un bagage culturel et des compétences linguistiques. Le récepteur d’Adab al-kātib et de ‘Uyūn al-ʾaẖbār est supposé être le même, à savoir le secrétaire, mais aussi disciple. Ce chapitre cerne trois éléments. Le premier s’intéresse au lien qui relie le second au premier. Le second souligne les points communs entre les deux ouvrages. Le troisième tente de mettre l’accent sur la force de la rédaction encyclopédique.
   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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