Sept 11 - Aurélie Damême - Université Bordeaux Montaigne

British, actually : Working Title Films et la construction d'un cinéma britannique à vocation internationale

Doctorant : Aurélie Damême

Date: 11 septembre 2015
horaires: 14h00
Lieu: Université Bordeaux Montaigne- salle des thèses- Bât Accueil 2ème étage
Domaine universitaire- Esplanade des Antilles 33607 Pessac cedex

Résumé

Cas à part dans le cinéma britannique contemporain, depuis 30 ans la société de production Working Title Films connaît un succès régulier sur la scène internationale. Son box-office cumulé se compte en milliards de dollars pour une centaine de longs métrages, qui lui ont valu des dizaines d'Oscars et de BAFTA, ainsi que quelques distinctions à Cannes, Berlin ou Venise.

Working Title Films est caractérisée par une tension entre d'une part sa britannicité, voire son européanité, et d'autre part son réseau et ses objectifs mondiaux. Non seulement ses capitaux et ses partenariats se sont internationalisés, mais son public se répartit également dans le monde entier, tandis que l'on ne peut qu'être déconcerté par la diversité de sa longue filmographie, dans laquelle Billy Elliot (Stephen Daldry, 2000) côtoie Les Misérables (Tom Hooper, 2012), Fargo (frères Coen, 1996), Ned Kelly (Gregor Jordan, 2003), Love Actually (Richard Curtis, 2003) ou encore Green Zone (Paul Greengrass, 2010).

Ses aspirations commerciales mondiales attirent les critiques de certains commentateurs, qui lui reprochent de se laisser submerger par les conventions du cinéma hollywoodien et de manquer d'ambitions culturelles, notamment à cause de son contrat avec la major Universal et de ses stratégies de distribution. Ils déplorent les représentations stéréotypées de la « britannicité » de certains de ses films, à l'instar des comédies de Richard Curtis ou de Rowan Atkinson. En effet, si Working Title a débuté avec un film audacieux, My Beautiful Laundrette (Stephen Frears, Hanif Kureishi, 1985), son premier grand succès commercial est Four Weddings and a Funeral (Mike Newell, Richard Curtis, 1994).

Néanmoins, malgré leurs ambitions commerciales mondiales, Tim Bevan et Eric Fellner, les deux producteurs à la tête de Working Title Films, revendiquent leur britannicité et une « sensibilité européenne ». Celle-ci est concrétisée par un partenariat avec PolyGram Filmed Entertainment dans les années 1990, puis avec StudioCanal. Cette dimension transnationale – plutôt que transatlantique – n'est pas sans influence sur les films eux-mêmes, et concourt également à leur succès international. Plusieurs intrigues mettent même en scène des relations interculturelles. Les films affichent des stratégies de crossover et de polysémie, et cherchent des compromis entre spécificité culturelle et universalité, avec des équilibres changeants. En effet, on ne peut nier la diversité de la filmographie, tant du point de vue des contenus culturels que du degré d'audace et de créativité. Working Title Films collabore avec des réalisateurs britanniques d'horizons variés, comme Richard Curtis, Stephen Frears, Edgar Wright, Paul Greengrass ou Joe Wright. De plus, elle franchit souvent les frontières nationales, essentiellement outre-Atlantique, en particulier grâce à son partenariat avec les frères Coen, mais aussi en Australie, en Afrique du Sud ou dans d'autres pays européens.

Tout cela place donc Working Title au cœur des débats sur les enjeux du cinéma britannique actuel, concernant son identité (cinéma national / post-national), l'équilibre entre les aspects économiques et artistiques, les relations avec Hollywood, ou encore le rôle des politiques culturelles. Ainsi, cette thèse tâche de comprendre l'évolution et le succès de cette société phare du cinéma britannique, en s'attachant autant à l'étude de son fonctionnement (partenariats, développement, production, distribution) qu'à l'analyse textuelle de ses films.

La thèse est structurée en trois parties. La première, organisée chronologiquement, détaille l'histoire de Working Title Films, afin de mieux cerner son évolution et de poser des jalons nécessaires à l'analyse conduite dans les parties suivantes. Il s'agit également de définir le succès qui la caractérise, en tenant compte à la fois des enjeux économiques et culturels. Après plusieurs années de véritable indépendance, marquées par quelques succès critiques mais aussi par des difficultés d'accès à une distribution internationale ambitieuse (1983-1991), les premiers succès commerciaux apparaissent pendant une phase de consolidation sous l'égide de PolyGram Filmed Entertainment, projet de major européenne dirigée par Michael Kuhn (1992-1998). Mais celle-ci ferme et Working Title Films est rachetée par Universal Pictures, qui garantit un financement à ses projets, de plus en plus coûteux, accompagné d'une distribution efficace à travers le monde entier. Les producteurs tentent alors de diversifier leur production, notamment en ouvrant une filiale dédiée au cinéma britannique à petit budget, WT², ainsi qu'en essayant de reproduire leur modèle en Australie (1999-2007). Ce contrat est ensuite renouvelé, bien que récemment Working Title Films prenne ses distances avec la major hollywoodienne pour coproduire certains films uniquement avec StudioCanal, le contrat d'exclusivité ayant été transformé en contrat de préférence (2008-2013). Chaque chapitre intègre la présentation d'un film ayant marqué une étape décisive dans le parcours de la société : My Beautiful Laundrette (Stephen Frears, scénario d'Hanif Kureishi, 1984), Four Weddings and a Funeral (Mike Newell, scénario de Richard Curtis, 1994), Billy Elliot de WT² (Stephen Daldry, 2000), et Les Misérables (Tom Hooper, 2012). Enfin, cette première partie se conclut avec l'étude de l'image de marque actuelle de Working Title Films. Elle soulève de nombreuses questions qui seront approfondies dans les deux parties suivantes.

La deuxième partie s'efforce de comprendre le succès indéniable de Working Title Films en se focalisant sur son fonctionnement et sur les aspects d'ordre économique. Peut-on toujours la considérer comme une société indépendante britannique ? Intégrée dans l'industrie cinématographique nationale, elle est aussi sous contrat avec une major hollywoodienne depuis 1999, ainsi qu'avec StudioCanal. Avant cela, PolyGram Filmed Entertainment l'avait rachetée et lui avait permis d'ouvrir des bureaux à Los Angeles ainsi que d'élargir la distribution internationale de ses films. Ce chapitre inclut également quelques éléments de contextualisation afin de dégager la spécificité de Working Title Films dans l'industrie cinématographique mondiale et dans l'histoire du cinéma britannique. Enfin, le dernier chapitre vise à comprendre dans quelle mesure ces contrats influencent son fonctionnement, du développement des projets à leur exploitation, en passant par leur distribution mondiale et l'implication des producteurs dans le processus créatif.

Enfin, la troisième partie se recentre sur la filmographie, les enjeux économiques étudiés dans la partie précédente s'avérant intrinsèquement liés aux problématiques culturelles et esthétiques. Certains réalisateurs et acteurs travaillent régulièrement avec Working Title Films. Ils viennent d'horizons variés, à la fois du point de vue de leur nationalité et de celui de leur approche artistique. Leur présentation aide donc à définir la vision du cinéma favorisée par la société. Interroger le concept de cinéma national nécessite aussi de s'intéresser aux contenus culturels des films. Les deux éléments les plus explicitement rattachés à une nationalité sont certainement les personnages et les lieux où se situent l'intrigue. Parfois, celle-ci met même en scène des relations interculturelles et des voyages internationaux. Les thématiques abordées et leur inspiration sont un autre contenu culturel essentiel. Leur analyse ne saurait être détachée de celle de leur traitement, ce qui révèle une prédilection pour des stratégies de crossover, de polysémie et d'hybridité. Ainsi, la diversité caractérise non seulement à la filmographie, mais aussi les films eux-mêmes, d'influences voire de contenus transnationaux.

 

 

 

 

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