Déc 09- Rémi Bercovitz - Université Bordeaux Montaigne

Paysage, médiation paysagère et "bon état écologique" de la Haute vallée de la Sèvre niortaise. Mener une enquête historique pour fonder un projet partagé (XVIIIe-XXIe siècles)

Doctorant : Rémi Bercovitz

 

Date : 09 décembre  2015
Horaires 09h30
Maison des Suds
Esplanade des Antilles 33607 Pessac cedex

La présente recherche doctorale propose, sur la base des résultats d’une expérimentation menée dans la haute vallée de la Sèvre niortaise, une contribution à la théorisation de ce que pourrait être une pratique paysagiste de la médiation environnementale par le paysage. Cette démarche exploratoire a été rendue possible grâce à une Convention industrielle de formation par la recherche en entreprise (Cifre) établie entre le Conseil Général des Deux-Sèvres et le laboratoire Adess/Cepage (Université de Bordeaux). La convention intervient alors que les politiques publiques en matière de gestion de la ressource hydrique et de l’aménagement des cours d’eau se réordonnent autour de la Directive cadre Eau (DCE), qui adjoint les états européens d’atteindre le « bon état écologique » des cours d’eau à l’horizon 2015. L’interrogation formulée par l’institution départementale relève de la recherche des modalités et des dispositifs qui pourraient favoriser une politique capable de prendre en charge l’ensemble des aspects relatifs à la gestion de la ressource et à un aménagement respectueux de la qualité des paysages et des milieux écologiques au sein d’une gouvernance concertée. Atteindre un tel horizon politique renvoie à la nécessité d’assumer et de prendre en compte la diversité des pratiques et des représentations sociales liées au cours d’eau, c’est-à-dire la question du sens et de la valeur donnés à la rivière et aux usages qu’on en fait, autant qu’à la nécessité pour les décideurs de disposer d’un cadre intégrateur de réflexion et d’action qui prenne à la fois en charge les interrelations entre l’utilisation de la ressource hydrique et le territoire de la rivière. Dans le même temps il s’agit de favoriser la construction d’espaces d’échange où la délibération est possible.

Dans cette perspective, il est proposé d’aborder la problématique environnementale de la gestion de la ressource et de l’aménagement des cours d’eau dans leur irréductible hybridité socio-écologiques ainsi que dans leurs multiples échelles spatio-temporelles (Bertrand, 1978 - Davasse, 2000 - Lespez, 2012). Or pour penser la question environnementale et l’action en la matière comme un objet complexe, les sociétés ont besoin d’objets intermédiaires (Mélard, 2008 – Vinck, 2009). Par ce terme, on entend tous les moyens matériels et conceptuels employés dans l’action collective pour diagnostiquer, se coordonner et agir. L’hypothèse fondatrice de notre recherche est que le paysage peut, à condition de se doter de méthodes, constituer un objet intermédiaire entre société et environnement. On considère en effet le paysage comme un reflet des relations socio-écologiques qui offre la possibilité de se représenter le complexe environnemental et de l’inscrire à la croisée des expertises et des logiques d’acteurs. Dans cette perspective, nous parlerons de médiation paysagère (Briffaud, 2014 - Michelin, 2005 – Deffontaines, 2004), comprise comme une démarche qui, entre recherche et action, utilise le paysage comme un outil permettant aux sociétés d’aborder la complexité des problématiques environnementales et de générer des espaces de délibération et de négociation ouverts à la diversité des savoirs et des expériences. En cela, la médiation paysagère n’a pas seulement pour objectif de permettre à l’action environnementale de s’inscrire dans un cadre délibératif et participatif, elle vise plus largement à redessiner les contours mêmes des problèmes posés. Ce faisant elle reformule la question de la constitution et de la légitimité des groupes délibérants.

Ce paysage-reflet, toutefois, n’est pas donné d’avance. La première tâche de la médiation paysagère est de le construire et de le faire exister comme tel aux yeux de la communauté humaine concernée. Pour ce faire, la connaissance scientifique joue un rôle de premier plan. Loin d’être un obstacle à la délibération et à la concertation, elle peut au contraire activer un processus de décryptage, et d’interprétation collective. Dans cette perspective, la singularité de notre démarche est d’inscrire au cœur de la médiation une recherche historique qui en constitue la « ressource cognitive ». Cette recherche passe par l’élaboration de scénarios paysagers de la rivière qui visent à reconstituer sur le temps long la trajectoire et les états successifs des paysages en insistant sur les liens de toutes natures qui les unissent à une transformation du rapport société/cours d’eau aussi bien en terme d’usages que sur le plan des valeurs que celles-ci projettent sur lui (Briffaud (dir.), 2014 – Bertrand, 1978). Les scénarios paysagers de la rivière ont permis de construire deux types de matériaux utiles à la médiation. Le premier se rapporte, comme nous l’avons dit ci-dessus, à l’intention de rendre perceptible le complexe socio-écologique. Le second réside dans la distanciation par rapport à la situation contemporaine. Il s’agit de donner la possibilité aux décideurs et aux habitants d’adopter, dans les domaines de l’environnement et du paysage, une posture réflexive (Berdoulay, Soubeyran, 2012) contribuant en cela à susciter le débat sur de nouvelles bases, voire à en redéfinir les objets et les objectifs. Plus largement, l’histoire, comprise ici comme un « récit vrai » (Veyne, 1971), doit permettre de construire de nouveaux récits territoriaux à partir desquels des actions d’un nouveau type peuvent émerger (Lussault, 1993-1998 - Briffaud, Davasse, 2012 – Sgard, 2008), sur la base d’une redéfinition des objets mêmes de l’action.

 

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