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Invité : Alejandro García Sanjuán, Professeur à l’université de Huelva
Organisateur : Mehdi Ghouirgate
Date : jeudi 28 janvier 2021
Horaire : 14h - 16h
Lieu : MLR001
Les conquêtes arabo-berbères de la péninsule Ibérique ainsi que la présence séculaire de l’Islam qui en découle n’ont eu de cesse de poser question au monde académique et au grand public. Depuis le XIXe siècle, le romantisme a attiré l’attention sur al-Andalus, tour à tour, qualifiée d’Espagne musulmane et d’Andalucía. Cependant, il reste malaisé de situer al-Andalus dans le cadre de l’histoire de l’Europe en général et de l’Espagne en particulier ; en effet, cette entité arabo-musulmane ne peut trouver sa place dans une Europe préalablement définie comme ayant des racines latine et chrétienne. Plus que tout autre thématique connexe à al-Andalus, c’est la question des conquêtes arabo-berbères qui a soulevé des passions et qui suscitent encore, en Espagne, des débats acharnés. Ces événements, bien que situés entre 711 et 726, continuent, néanmoins, à faire l’objet d’instrumentalisations politiques, tout aussi bien dans les rangs de l’extrême droite avec Vox que dans la gauche au sein de la province autonome d’Andalucía où est cultivé un particularisme séparatiste se réclamant du passé arabo-musulman. Loin de conserver une sorte de réserve, les universitaires espagnols alimentent toujours le débat en adoptant souvent un ton étonnement polémique où ne manquent ni les attaques ad hominem ni les quolibets.
C’est ainsi que Claudio Sánchez-Albornoz (1893-1984), considéré comme l’un des plus grands hispanistes du siècle dernier, fit état des sentiments irrationnels que soulevaient pour lui l’évocation de cette séquence chronologique : « Je ne peux jamais penser sans émotion en cet instant tragique de l’histoire du monde. Depuis des années, je suis obsédé par l’idée que ce fut là, en 711, la minute décisive de la vie de l’Espagne ». C’est dans ce contexte que prospère, depuis les années 1960, un courant de pensée qui ne s’intéresse aux conquêtes arabo-berbères que pour mieux les réfuter en niant la réalité de leur existence. Ce mouvement appelé « negacionismo » a été initié par Ignacio Olagüe Videla, lié au courant fasciste espagnol animé par Ramiro Ledesma Ramos. Alors même qu’I. Olagüe Videla n’était pas intégré au monde académique espagnol, il reçut le soutien décisif de Fernand Braudel qui lui proposa de transformer le titre initial La Revolución islámica en Occidente en un titre beaucoup plus tapageur, à savoir Les Arabes n’ont jamais envahi l’Espagne (1969). Cet ouvrage fut traduit en français et publié dans la fameuse maison d’édition Flammarion. Le propos était ainsi de nier l’existence des invasions arabo-musulmanes pour mieux souligner « le caractère éternel » de la nation espagnole et soon continuum existant de la période antique à nos jours. Dès lors, le « negacionismo » s’est durablement installé dans le débat en dépit de son caractère extravaguant et peu étayé. En France, cette question a plutôt attiré l’attention de provocateurs tels que Claude Allègre et Éric Zemmour. C’est tout à fait regrettable car cette thématique touche, tout à la fois, l’histoire médiévale, l’historiographie et la politique y compris dans sa dimension actuelle. Elle renvoie non seulement à l’identité de l’Espagne mais aussi à celle de l’Europe toute entière.
Alejandro García Sanjuán, Professeur à l’université de Huelva a donné les réponses les plus consistantes au « negacionismo » ; ce qu’il a pu réaliser, depuis 2005, par une série d’articles et d’ouvrages dont on peut citer, entre autres, La Conquista islámica de la península Ibérica y la tergiversación del pasado (2013).
Cinq interventions sont programmés du 24 février au 24 mars 2021, dans le cadre des ateliers de lecture, afin de revenir sur la genèse et le développement du « negacionismo » dans ses différents aspects.
Invitée : Nathalie Brown (Université Aix-Marseille)
Organisatrice : Lise Segas
Date : Jeudi 8 avril 2021
Horaire : 14h - 16h
Lieu : MLR001
Cette intervention présentera la nécessité et les enjeux de l’approche pluridisciplinaire pour l’historien des comportements et des mentalités qui étudie l’évolution et l’histoire des maladies précolombiennes et coloniales et plus particulièrement sur la question des épidémies chez les Aztèques et leur impact sur ces sociétés. Cette rencontre permettra de présenter une méthodologie de recherche issue originellement du domaine de la civilisation latino-américaine mais qui débouche sur une collaboration riche et nécessaire avec des chercheurs de disciplines en Sciences Humaines et en Sciences dites « dures ».
Comprendre les effets dévastateurs de ces épidémies apportées par les Européens implique, dans un premier temps, pour l’historien spécialiste des sources écrites, d’interroger et de croiser les données contenues dans les chroniques espagnoles et les codex pictographiques peints du 16e siècle. La difficulté réside notamment dans le décryptage de ces manuscrits (textes en nahuatl, pictogrammes et idéogrammes inconnus) conservés à la Bibliothèque Nationale de France. A l’étude paléographique de cette vingtaine de codex qui mentionnent épidémies et remèdes, s’ajoute la nécessité d’identifier les maladies, que ce soient les pathologies apportées par les colons mais aussi celles existant avant le premier contact afin de savoir si les populations indigènes avaient connu auparavant des vagues épidémiques d’une telle ampleur. Ces recherches ont donc débouché sur une collaboration avec des médecins-anthropologues, des généticiens et des climatologues au sein du Muséum National d’Histoire Naturelle de Paris. Une autre étape consiste à identifier ces maladies européennes en recensant les pathologies existantes dans les ports et sur les navires espagnols à la lumière des chroniques des conquistadores et des manuscrits médicaux impliquant des recherches en histoire de la médecine. A ces investigations désormais pluri-disciplinaires s’est enfin greffée une étude paléo-pathologique des squelettes et des momies précolombiennes mexicaines menée en collaboration avec des anthropologues du musée de l’Homme portant sur la recherche de lésions osseuses caractéristiques de certaines pathologies. Enfin, ce travail aurait été incomplet sans des recherches sur les objets liés au culte funéraire retrouvés près de ces momies et menées en collaboration avec des archéologues du musée de l’Homme et de l’université d’Aix Marseille.
Domaines de recherches
Nathalie Brown est docteure en Etudes Romanes de l’université Paris Sorbonne. Elle développe ses recherches en civilisation hispano-américaine, en anthropologie et en paléoépidémiologie, principalement axées sur l’évolution et l’histoire des maladies précolombiennes et coloniales et plus particulièrement sur la question des épidémies chez les Aztèques et les Incas et leur impact sur ces sociétés. Cette approche pluri-disciplinaire touche à la paléographie, à l’archéologie et à l’histoire de la médecine et des maladies. Elle travaille sur l’histoire des épidémies au Mexique central (14e-16e siècles) et au déchiffrement des codex peints. Elle mène également des recherches sur l’histoire de la syphilis en Europe au 16e siècle.
Ses activités de recherches se déroulent en collaboration avec l’UMR 7268 Adès de l’université d’Aix-Marseille et elle enseigne notamment en D.U. Histoire de la médecine à l’université Paris Descartes. Elle est également Professeure des Ecoles dans l’académie de Créteil.
Publications récentes
Epidémies, santé et maladies : représentations et influence sur les comportements sociaux et les conditions de vie des Mexicas à la veille de la Conquête, Archéologie de la santé, anthropologie du soin (Dir. Alain Froment et Hervé Guy), La Découverte, 2019, p 227-235.
Choc et échange épidémiologique : Indiens et Espagnols au Mexique (1520-1596), Identités et
territoires dans les mondes hispaniques 16e -20e siècle (Dir. Jean-Philippe Priotti), Presses
Universitaires de Rennes, 2015, p 121-148.
La médecine aztèque dans les anciens manuscrits mexicains, Histoire de la médecine, n°3, septembre 2019, pp 23-25.