Qu'est-ce que lire ? - Université Bordeaux Montaigne

Qu'est-ce que lire ?

organisé par Christophe Pébarthe
Horaires : 13h30 - 15h30   Lieu : MLR033

  • mardi 10 mars 2020 - reportée au 24 mars
    Sciences des œuvres 1 : lire un roman (Pierre Bourdieu, Les règles de l'art. Genèse et structure du champ littéraire, Paris 1992)
    Séance animée par Christophe Pébarthe

  • mardi 24 mars 2020 - reportée au 31 mars
    Sciences des œuvres 2 : lire une tragédie grecque (Jean Bollack, Sens contre sens. Comment lit-on ? (Entretiens avec Patrick Llored), Paris 2000)
    Séance animée par Christophe Pébarthe

  • mardi 7 avril 2020
    Qu'est-ce que la lecture historienne de la littérature ? Judith Lyon-Caen, La griffe est du temps. Ce que l'histoire peut dire de la littérature, Paris 2019.
    Séance animée par Judith Lyon-Caen, historienne (E.H.E.S.S.).

  • mardi 21 avril 2020
    Lire les images. François Lissarrague, historiens des images grecques.
    Séance animée par François Lissarrague (E.H.E.S.S.).

  • mardi 5 mai 2020
    Lire, traduire, lire. Pierre Judet de La Combe, traducteur de l'Iliade.
    Séance animée par Pierre Judet de La Combe (E.H.E.S.S.).

La lecture ne semble pas faire problème. Sa pratique relèverait de compétences qu'il suffirait d'acquérir, comme en témoignent les innombrables modules de méthodologie, distincts des enseignements disciplinaires, diffusant un discours de la méthode dont la pertinence va bien au-delà de la discipline. Elle donnerait accès à un savoir déjà-là, dans un support, textuel ou non, qu'il suffirait de rencontrer, de trouver, pour l'acquérir. Pour de nombreux lecteurs et pour de nombreuses lectrices pourtant, sinon pour toutes et tous, la lecture est un problème, elle ne va pas de soi. Savoir lire n'implique pas de pouvoir tout lire. Il est même probable que personne ne puisse prétendre à bon droit être capable de tout lire. Autrement dit, si la lecture fait problème, c'est parce qu'elle ne saurait être réduite à une méthode, c'est parce qu'elle est par nature problématique.
Incorporée au point d'être le geste par excellence en sciences, notamment humaines et sociales, elle se confond avec un sens pratique académique qui culmine avec le commentaire. Or, des travaux ayant la lecture pour objet, ceux de Roger Chartier ou de Judith Lyon-Caen par exemple, ont mis en évidence la nécessité de prendre en considération la matérialité des supports, l'historicisation des pratiques de lecture et de la réception. Comme le résume la seconde dans La Griffe du temps. Ce que l'histoire peut dire de la littérature (Paris 2019, p. 21), "il faut […] regarder l'œuvre dans le passé où elle fut imaginée, écrite, publiée, reçue comme une œuvre de littérature, et considérer le fait de sa transmission comme un fait historique à part entière". Dès lors, et au-delà des seuls textes littéraires, il convient de considérer la lecture comme un objet à construire parce qu'elle institue une relation sociale entre un lecteur ou une lectrice et quelque chose qui est pensé comme étant à lire.
Cette conception a marginalement été développée en France, autour du philologue Jean Bollack qui affirmait, résumant ainsi sa lecture de la pièce de Sophocle, Œdipe-roi : "La partie se joue à trois, le texte, l'ego qui lit et toutes les lectures qui ont précédé la sienne". Par cette conception, il posait les jalons d'une science des œuvres, autre nom de la philologie telle qu'il la concevait, c'est-à-dire "la possibilité de parvenir à un accord concernant le sens des textes qui pourrait être vérifié par les lecteurs et les interprètes. […] L'accord sur une interprétation suppose un cadre de recherche commun et une entente sur les critères des découvertes possibles et, en fin de compte sur un dépassement de la situation présente, si les conditions où le problème peut être posé n'ont pas été envisagées" (Sens contre sens. Comment lit-on ? (Entretiens avec Patrick Llored), Paris 2000, p. 175-176). Son ami et collègue à Lille Pierre Bourdieu a, à sa manière, contribué à cette réflexion, en mettant en évidence la possibilité d'une lecture sociologique de Flaubert (Les Règles de l'art. Genèse et structure du champ littéraire, Paris 1992).
Telle est la finalité de cet atelier de lecture, engager collectivement, une construction de la lecture comme objet, dégager les différentes relations qu'il est possible de nouer avec ce qui est à lire, pour mesure ce qu'implique la construction du sens à laquelle aboutit la lecture.

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