L'internement des "nomades" (1940-1946) : une politique française d'exclusion - Université Bordeaux Montaigne

L'internement des "nomades" (1940-1946) : une politique française d'exclusion

Intervenants : Christophe Lastécouères et  Emmanuel Filhol
Horaires : 9h30 - 12h30         Lieu : MLR033

Les vendredis 6 et 20 mars 2020

D’octobre 1940 à mai 1946, près de 6 500 personnes, en majorité françaises, désignées par l’administration sous le terme de « nomades », sont internées dans plus d’une trentaine de camps sur l’ensemble du territoire métropolitain. Assignés à résidence dès avril 1940, enfermés dans des camps aussi bien en zone occupée qu’en zone non occupée (octobre 1940), sous-alimentés, ces « nomades » sont spoliés, privés de leurs activités professionnelles et parfois contraints aux travaux forcés. Certains décèdent dans les camps, tout particulièrement les enfants, car la particularité de cette population internée est d’être très jeune (1/3 a moins de 13 ans). Alors que l’internement repose initialement sur une base familiale, il se traduit parfois par la dislocation des familles. À partir de 1943, quand la pression de l’Occupant allemand se fait plus forte, des déportations sont organisées depuis le territoire français : le 15 janvier 1944, un convoi spécialement composé de tsiganes quitte les départements sous administration allemande (Nord et Pas-de-Calais) à destination d’Auschwitz-Birkenau. Mais alors que la répression nazie contre les tsiganes (Zigeuner) obéit à des motivations raciales, la politique française répond à des considérations sociales. Elle s’insère dans une histoire longue des discriminations à l’égard des tsiganes, perçus comme inassimilables par la communauté nationale, qui nourrit à leur égard de nombreux stéréotypes : c’est la figure du bohémien vagabond, porteur de maladie, criminel, et apatride. Cette politique d’exclusion prend forme sous la Troisième République, quand l’État crée, par la loi du 16 juillet 1912, la catégorie administrative et juridique de « nomade », afin de ficher de façon préventive les populations itinérantes et d’en contrôler les déplacements. Ce sont ces familles, identifiées par un carnet anthropométrique individuel et par un carnet collectif – en fait familial –, qui sont concernées par l’internement en 1940. La politique d’internement se poursuit bien après la chute du régime de Vichy, le dernier camp (le camp des Alliers, en Charente) fermant le 1er juin 1946, au tout début de la Quatrième République.
Le but de ces trois ateliers est de mettre en lumière un pan souvent occulté de la mémoire nationale de l’internement, et qui n’a vu véritablement le jour dans l’historiographie qu’à la fin des années 1980. Cette démarche ne néglige pas pour autant la manière dont les tsiganes ont pu lutter contre cette politique d’exclusion, en ayant recours à des solidarités endogènes ou en tissant des liens avec des institutions d’entraide et de secours (Croix-Rouge, réseaux catholiques), parfois même en entrant dans la résistance intérieure au nazisme.

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