Organisé par : Cécilia Gonzalez Scavino
Nouveaux horaires : 10h30 - 15h30
Lieu : MLR033 et visioconférence
Durée de la formation : 4 heures
La diffusion des Études culturelles en Amérique Latine et leur ultérieure institutionnalisation reposent sur une vaste tradition d’analyse culturelle continentale. Cette tradition remonte à l’essai latino-américain du XIXe siècle et des premières décennies du XXe (José Martí, D. F. Sarmiento, Andrés Bello, Rubén Darío, Manuel Prada, José Rodó, Manuel Ugarte, José Vasconcelos, José Carlos Mariátegui, entre autres). Elle s’est perpétuée dans la réflexion des artistes et des écrivains de la première moitié du siècle dernier (Nicolas Guillén, Alejo Carpentier, Miguel Angel Asturias, Pablo Neruda, Aimé Césaire, entre autres) pour rencontrer les contestations radicales des Nouvelles gauches anti-impérialistes des années 50, 60, 70. Quelques noms fondamentaux figurent parmi les pionniers de d’analyse critique de la culture en Amérique Latine de cette dernière période: Angel Rama (Uruguay), Antonio Cornejo Polar (Pérou), Antonio Cândido (Brésil), Marta Traba (Argentine-Colombie).
Les études culturelles latino-américaines ont intégré, au cours de la deuxième moitié du XXe siècle, les apports des marxismes hétérodoxes (A. Gramsci, W. Benjamin, Th. Adorno, M. Horkheimer), de la sociologie et la philosophie française issues du tournant langagier (Foucault, Althusser, Bourdieu, Derrida, Deleuze), des Cultural Studies. Les travaux d’intellectuels originaires d’anciens territoires coloniaux a été également décisif, à commencer par les œuvres de Franz Fanon ou Robert Memni et, plus tard, d’Edward Saïd, Gayatri Spivak, Homi Bhabha. C’est en dialogue avec ces différents courants et sensibilités que des chercheurs de différentes pays latino-américains ont construit leur réflexion sur les cultures populaires et subalternes, sur les circuits de production, circulation et consommation de la culture des masses, sur les complexes rapports entre artisanat, art et marché, sur le rapport de la culture élitaire aux cultures autochtones des Amériques et aux apports des populations afro descendantes, sur les phénomènes » de transculturation à l’œuvre dans les diverses régions du sous-continent, sur les formes et manifestations de la domination de genre dans la sphère de la production culturelles, sur les esthétiques et politiques de la mémoire des violences coloniales et post-coloniales, sur les cultures de la diaspora latino-américaine, sur les rapports entre cultures urbanines, suburbaines, rurales. Certains noms sont incontournables dans cette vaste production récente, bien que certains d’entre eux ne se reconnaissent pas dans la dénomination disciplinaire « Etudes culturelles » et lui en préfèrent d’autres – analyse culturelle, analyse critique de la culture –: Nelly Richard (Chili), Néstor García Canclini (Mexique), Beatriz Sarlo (Argentine), Mabel Moraña (Pérou-EE.UU), entre autres.
La critique « décoloniale » est née, quant à elle, dans les années 90, autour du groupe « Modernité, colonialité, décolonialité » de l’Université de Duke, aux Etats Unis. Au cœur de ses débats se trouve le concept de « colonialité du pouvoir » - ou « matrice coloniale du pouvoir » - proposé par le sociologue péruvien Aníbal Quijano. Ce concept a été décliné par d’autres chercheurs dans des domaines annexes tels que la « colonialidad du savoir », la « colonialité de l’être » ou encore la « colonialité du genre » (Walter Mignolo, María Lugones). Témoignant de la diversité et de l’intensité des débats contemporains, d’autres catégories ont été élaborées, comme celle de « colonialisme interne », avancée par la sociologue bolivienne Silvia Rivera Cusicanqui, qui accorde un intérêt tout particulier à l’Histoire orale dans la région andine.
A travers la lecture de textes choisis, les participants à ce séminaire seront amenés à se familiariser avec une constellation de catégories axées sur l’hybridation culturelle (transculturation, hybridité, créolisation) et sur les survivances culturelles du lien colonial.