Organisé par : Timur Uçan
Intervenants : Alexandra Boucherifi Kornmann, Baptiste Guarry-Petit, Gauvain Schalchli
Horaires : 17h30 - 19h30
Lieu : MLR033
Durée de la formation : 10 heures
"Crises écologiques et critiques de l’extractivisme" a pour objectif de continuer à contribuer à l’émergence et au développement d’un terrain commun de compréhension et de recherches concernant la crise écologique, comprise comme la crise que traverse actuellement la biodiversité et avec elles nos vies, et ainsi, de contribuer à la réalisation de la justice climatique, comprise comme la justice qui suffira pour y mettre fin. Cet atelier de lecture continue des travaux entamés à l’occasion de l'initiative doctorante "Crise écologique et méthodes scientifiques" et de l’atelier de lecture intitulé “Crise écologique et justice climatique”, qui ont eu lieu à l’université Bordeaux Montaigne durant l’année universitaire 2020-2021. La notion d’extractivisme suffit en effet dans une certaine mesure pour penser l’unité des pratiques qui ont entraînées la crise écologique globale. En ce sens, certains usages de cette notion permettent de mener une réflexion concernant les causes de la crise écologique, aussi bien afin de réfléchir les manières d’y mettre fin que les manières de se réapproprier ce que les structures écocidaires nous rendent, au mieux, difficile.
Pour ce faire nous réfléchirons comment nous pouvons et éventuellement devons penser l’époque en laquelle nous vivons. Différentes représentations de celle-ci en ont en effet été produites, comme celle d’anthropocène, de capitalocène, de plantationocène, de pyrocène, de nécrocène, etc. D’où la question de savoir si l'une de ces représentations est nécessaire à l’intelligibilité de l’époque en laquelle nous vivons. En ce sens, nous nous focaliserons tout d'abord sur la question de savoir si la période de l’histoire qui a commencé quand l’écosystème terrestre a commencé à changer en conséquence des actions humaines, appelée l’anthropocène, devrait plutôt ou aussi être comprise comme capitalocène, c'est-à-dire un changement qui est structurellement dépendant du capitalisme et ne peut donc pas réellement être compris indépendamment de ce système. La réponse à cette question importe puisqu’elle est à même de sous-déterminer nos positionnements aussi bien concernant les diagnostics que l’on peut proposer de l’urgence climatique que la détermination des moyens adéquats pour y mettre fin. En effet, selon que l’on considère ou non que le changement climatique est la conséquence d’un système indissociable du capitalisme, nous n’évaluons pas de la même manière ce qu’implique de mettre fin à l’urgence climatique.
Nous mènerons alors avec Gauvain Schalchli une réflexion commune concernant les relations entre technique et extractivisme. En effet, si l’extractivisme est indissociable de l’existence des techniques qui en rendent possible la réalisation, alors nous devrions nous interroger aussi bien quant à nos conceptions de la technique, que quant à nos usages de techniques qui existent. En effet, si l’utilisation de certaines techniques n’est pas dissociable de dévastations écologiques et que la généralisation de l’usage de certaines techniques est susceptible d’entraîner un effondrement social et sociétal, l’usage de telles techniques est-il désirable ? Et de telles considérations ne devraient elles pas nous amener à reconsidérer les manières avec lesquelles nous pensons les relations entre nature et culture ?
Nous réfléchirons alors avec Timur Cengiz Uçan les relations entre solipsisme et extractivisme et, proposerons des critiques à en faire. L’extractivisme peut être compris, avec Gudynas, comme un type d’appropriation de moyens naturels. Il peut également être compris, avec Bednik, comme le plus haut degré d’addiction à l’activité d’extraction. Nous pouvons en ce sens comprendre l’extractivisme comme l’idéologie selon laquelle des ressources doivent nécessairement être extraites, quelles qu’en soient les conséquences. Nous pouvons ainsi réfléchir les relations entres les actions et les pratiques réalisées comme si les autres personnes n’existaient pas dans leurs relations à cette idéologie engagée par les extractivismes afin de penser aussi bien les relations entre les dévastations écologiques que les manières de les faire cesser.
Nous continuerons cette réflexion avec Baptiste Guarry--Petit par une réflexion à propos des moyens représentationnels et conceptuels impliqués par les pratiques extractivistes. En effet, une activité comme par exemple celle de prospection d’un territoire en vue de la construction de structures extractivistes implique des médiations représentationnelles et conceptuelles spécifiques. En nous interrogeant à propos de ce qu’engage la représentation d’un matériau comme ressource en partant de l’étude du débat entre Lévi-Strauss et Sartre, nous réfléchirons à propos des types d’appropriation de moyens naturels critiqués à l’aide de la notion d’extractivisme.
Nous nous confronterons finalement avec Alexandra Boucherifi à la question des relations entre art, écologie et extractivisme. En effet, si par l’art les artistes nous amènent à réinterroger nos relations avec nos environnements, suscitent des réflexions à propos de l’écologie et en faveur de la cessation des dévastations écologiques, les moyens engagés par certaines pratiques artistiques impliquent la réalisation de certaines pratiques extractivistes. Comment donc concevoir la pratique artistique si celle-ci est compatible avec l’écologie et est critique de l’extractivisme ? Nous nous poserons cette question en étudiant et réfléchissant à propos de l’augmentisme, ou pratique de la peinture augmentée, définie par Alexandra Boucherifi comme hybridation de la technologie et de la peinture.