Mis à jour le 5 février 2018
Ngalasso Mwatha Musanji est professeur émérite à l’Université Bordeaux Montaigne et Senior Research Fellow à l’Université de Johannesburg (Afrique du sud). En mars 2017, il est élu Membre de l'Académie Africaine des langues (ACALAN), organisme de l'Union Africaine situé à Bamako (Mali).
ACALAN signifie « Académie africaine des langues » et œuvre pour la valorisation des langues africaines
C’est une institution scientifique spécialisée de l'Union Africaine. Créée en 2001, l’ACALAN a son siège à Bamako (au Mali). Elle se compose de membres, en provenance de divers états d’Afrique, qui sont élus par leurs pairs. L’Académie jouit d’un statut de personne morale de droit public et ce statut particulier est géré par ses membres en assemblée.
L’ACALAN n’est pas, comme on le dit souvent, à tort, une « Académie des langues africaines » dont l’objectif serait la promotion exclusive des langues nationales. Le projet de l’Académie n’est pas de mettre hors du continent les langues héritées de la colonisation (anglais, français, portugais, espagnol). Ces langues de rayonnement international sont considérées comme des partenaires objectifs des langues africaines. Elles ont intérêt à aider les langues nationales à se développer et à s’outiller techniquement et scientifiquement, au risque d’être accusées, avec raison, d’impérialistes et de néocoloniales.
Il reste que la principale mission de l’ACALAN est de normaliser et de perfectionner les langues africaines. Il s’agit de promouvoir les langues transfrontalières en donnant une impulsion décisive à la recherche en coopération étroite avec l’ensemble des académies nationales et en assurant l’appui technique aux différents États membres pour la formulation et la mise en œuvre de leur politique linguistique. L’ACALAN œuvre pour la valorisation des langues africaines pour en faire des outils de travail à tous les niveaux, pour faciliter les échanges culturels et renforcer la coopération économiques entre les États africains.
L’utilisation des langues africaines doit être un facteur d’intégration, de respect des valeurs culturelles, de solidarité et de compréhension mutuelle afin de promouvoir la paix et de prévenir les conflits.
L’élection à l’Académie Africaine des Langues se fait par cooptation, sur la base des travaux scientifiques connus et reconnus. Je n’ai donc pas eu à faire acte de candidature. Je travaille depuis longtemps à la description scientifique, à la valorisation des langues africaines en tant que instruments pour l’éducation et pour le développement économique et social des gens qui les parlent. Cette élection comme membre de l’académie africaine des langues marque sans doute la reconnaissance de mes travaux de recherche sur les langues du continent.
Je n’ai qu’une seule motivation : être utile à l’Afrique dans mon domaine de compétence, la connaissance des langues et des cultures qu’elles servent. Après une longue carrière universitaire, après de nombreuses années de recherche et de publications théoriques, je suis particulièrement heureux d’entrer dans une institution interafricaine et de m’investir dans les secteurs de la linguistique appliquée : comment écrire les langues africaines, comment les enseigner, comment créer les terminologies techniques et scientifiques, comment élaborer des dictionnaires de langues, comment créer des instruments pédagogiques et des matériels didactiques ; comment contribuer à la transmission des valeurs culturelles africaines et comment contribuer à la traduction, dans ces langues, des œuvres de valeur universelle.
Je travaillerai, bien sûr, sur tous les aspects de la mission dévolue à l’Académie (promotion des langues africaines, analyse des politiques linguistiques des États). Je m’impliquerai tout particulièrement dans les activités terminologiques et dictionnairiques. Il s’agit d’associer les langues africaines au développement du continent. À l'évidence, les langues européennes seules ne peuvent pas assurer le développement des pays africains sans le concours des langues parlées concrètement par les Africains. Je le dis souvent, pour qu'une langue puisse servir le développement il faut qu'elle soit elle-même développée : le développement par les langues suppose donc le développement des langues. Or développer les langues c'est à la fois assurer leur description complète et œuvrer à leur instrumentalisation rapide (aménagement d'une transcription orthographique, élaboration d'une terminologie adéquate, confection des ouvrages de références et des manuels d'apprentissage) ; c'est, en même temps, favoriser l'emploi de ces langues dans la vie publique comme dans la pratique littéraire. Dans des situations multilingues, qui sont la règle dans les États africains, la promotion de la pluralité et de la diversité linguistique est un impératif absolu, qui, si elle est conduite avec intelligence et méthode, peut constituer un puissant moyen de lutter contre la mondialisation, cette forme pernicieuse d'uniformisation et de nivellement par le bas, et de refuser le suicide culturel collectif.
Sentiment de légitime fierté et de responsabilité. Fierté, car cette élection m’honore bien évidemment personnellement mais elle fait honneur à l’Université à laquelle j’appartiens depuis quelques décennies : l’Université Bordeaux Montaigne. Responsabilité car il faudra être à la hauteur de la confiance qui m’a été témoignée et de la mission qui m’a été confiée.
Une carrière internationale
Ngalasso Mwatha Musanji a commencé sa carrière, en 1965, comme professeur du secondaire : il a enseigné le latin et le français.
Sa carrière dans l’enseignement supérieur a débuté en 1970 d’abord à l’Université Lovanium de Kinshasa et ensuite à l’Université Nationale du Zaïre à Lubumbashi (République Démocratique du Congo).
De 1982 à 2013 il a enseigné la sociolinguistique et la linguistique africaine à l'Université Bordeaux Montaigne. Il a introduit au département des Sciences du langage un cours de linguistique africaine et l’enseignement d’une langue africaine (le lingala).Il a été directeur du CELFA (Centre d’Etudes Linguistiques et Littéraires Francophones et Africaines), membre de l’Equipe d’Accueil CLARE (Cultures, Littératures, Arts, Représentations, Esthétiques) et chercheur associé à LAM (Les Afriques dans le Monde), UMR 5115 du CNRS, unité de recherche adossée à Science Po Bordeaux. Depuis 2013 il est professeur émérite à l’Université Bordeaux Montaigne et Senior Research Fellow à l’Université de Johannesburg (Afrique du sud).
Il a enseigné dans les universités suivantes comme professeur associé ou invité : Université Paris 3 - Sorbonne Nouvelle, Université Paris 10 - Nanterre, Université Paris 13 – Villetaneuse, Université Laval (Québec, Canada), Université de Moncton (Nouveau - Brunswick, Canada), Université de Californie à Berkeley (San Francisco, USA), Université de Bergen (Norvège), Université de Tétouan (Maroc), Université de Nouakchott (Mauritanie), Université de Kara (Togo), Université de Libreville (Gabon).
Publications
Imprimés anonymes en langues africaines 1830-1960, Paris, Bibliothèque Nationale de France, 2011, 154 pages,
Dictionnaire français-lingala-sango. Paris, OIF, ELAN, 2013, XVI-1064 pages.
Le français et les langues partenaires : convivialité et compétitivité, Presses Universitaires de Bordeaux, 2013, 455 pages.
Contact : musanji.ngalasso-mwatha@u-bordeaux-montaigne.frConsulter le site web d'ACALAN
Propos recueillis auprès de Ngalasso Mwatha Musanji par la direction de la communication