L’étude des papyrus grecs et égyptiens encouragée par le Conseil Européen de la Recherche - Université Bordeaux Montaigne

Distinctions

L’étude des papyrus grecs et égyptiens encouragée par le Conseil Européen de la Recherche

Masque, Inv.Sorb. 2766 © Université Paris-Sorbonne – Institut de Papyrologie et Marie-Pierre Chaufray à Cap Sciences pour l’exposition « Les momies ne mentent jamais ». Cliché C. de Noter

L’excellence scientifique est à nouveau récompensée au sein de l’UMR 5607 Ausonius. Marie-Pierre Chaufray, chargée de recherches au CNRS, est lauréate d’un programme ERC Starting Grant 2017.

À l’instar d’Alberto Dalla Rosa (lauréat en 2016), Marie-Pierre recevra pendant 5 ans les moyens de mener une recherche exploratoire en dehors de tout programme scientifique établi, de toute stratégie de développement scientifique nationale ou disciplinaire. Elle constituera son équipe de recherche autour d'un thème original : "The Graeco Egyptian State: Hellenistic Archives from Egyptian Mummies (GESHAEM)".

L’objectif du programme est d’étudier l’économie, la fiscalité et l’organisation du territoire dans la région agricole la plus importante de l’Égypte, le Fayoum, au Ier siècle de la domination grecque (IIIe siècle avant J.-C.)

Des papyrus inédits

Le projet s’appuie sur un important corpus de papyrus administratifs et fiscaux, conservés dans le fonds Jouguet de l’Institut de Papyrologie de l’Université Paris-Sorbonne (Paris 4) et encore largement inédits. Ces papyrus ont été découverts dans des cartonnages de momies enterrées dans les nécropoles de Ghôran et Magdôla dans le sud du Fayoum en Égypte. Les cartonnages étaient des décorations apposées sur les momies sous forme de masques, de colliers (plastrons) ou de jambières. Ils étaient fabriqués par les artisans funéraires égyptiens, dans l’Antiquité, à partir de matériaux recyclés, bandes de lin ou papyrus, recouverts de stuc et peints.

Les papyrus extraits des momies de Ghôran et de Magdôla proviennent d’archives administratives bilingues en grec et dans l’égyptien cursif appelé « démotique ». Ils datent du premier siècle de la domination grecque en Égypte (IIIe s. av. J.-C.).


Exposition d’une sélection de papyrus du fonds Jouguet pour les journées européennes du patrimoine 2017. Cliché F. Jacques
L’étude de ces documents, et en particulier des textes égyptiens, permettra de changer la vision du royaume ptolémaïque au IIIe siècle avant J.-C., souvent perçu comme un royaume grec. Les archives administratives bilingues prouvent, au contraire, que l’administration ptolémaïque était en grande partie composée d’un personnel d’origine égyptienne capable d’écrire et de parler à la fois en grec et en égyptien, qui a su adapter au nouveau régime une tradition administrative millénaire. 

La valorisation d’un patrimoine méconnu et la création d’un outil informatique adapté aux corpus fragmentaires

Le projet de Marie-Pierre Chaufray s’intéresse également à la conservation des cartonnages jusqu’alors détruits pour récupérer les papyrus. Pour la première fois, une étude stylistique des cartonnages sera menée à partir des exemplaires préservés dans la collection qui feront l’objet d’une restauration. L’extraction des papyrus de ces cartonnages sera réalisée par l’utilisation de méthodes non destructives.

L’originalité du programme réside aussi, et enfin, dans le développement d’un outil informatique innovant pour faciliter le travail de raccords des innombrables fragments de papyrus. Les photographies des fragments seront soumises à un logiciel de traitement automatique des images élaboré pour discriminer des éléments significatifs des papyrus (encre, fibre, espacement, etc.). Si les résultats sont concluants, ce logiciel, réalisé par le Laboratoire Bordelais de Recherche en Informatique (LaBRI), pourrait être utilisé sur toutes les collections papyrologiques fragmentaires.


Momie de Pachéry recouverte de ses cartonnages © RMN-Grand Palais / Les frères Chuzeville

La valorisation des résultats du projet s’articulera autour de la publication de trois monographies, de ressources en ligne ainsi que de la réalisation d’une exposition à l’Archéopôle d’Aquitaine.


À gauche : plastron découpé (avec deux figurines), Inv.Sorb. 1336, fragment e. À droite : plastron semi-circulaire (sur l’envers d’un texte démotique), Inv.Sorb. 1385 © Université Paris-Sorbonne – Institut de Papyrologie

Un parcours remarquable entre le monde grec et l’Égypte

Recrutée en octobre 2015 au CNRS en tant que chargée de recherches (CR2), Marie-Pierre Chaufray est spécialiste d’une discipline peu commune en France : la papyrologie, discipline à l’interface de l’histoire, de l’archéologie et des lettres classiques.

Durant son cursus universitaire, elle a choisi de s’orienter vers une double formation : les lettres classiques à l’université Paris–Sorbonne et l’égyptologie à l’École normale supérieure.

À la suite d’un DEA en égyptologie et papyrologie grecque, elle entame une thèse sur l’administration des temples égyptiens, sous la direction du professeur Michel Chauveau à l’École Pratique des Hautes Études. Après l’obtention de son doctorat en 2011, Marie-Pierre poursuit ses recherches sur l’administration des temples, dans le cadre d’un projet post-doctoral en Allemagne, sous la direction du professeur Martin Stadler à l’Université de Würzburg.

Sa titularisation à Ausonius en 2015 est précédée par l’obtention d’une chaire junior en papyrologie au sein du LabEx Sciences archéologiques de Bordeaux.

En parallèle, elle préside depuis 2013, l’Equipe Fonds Jouguet Démotique (EFJD) qui regroupe un collectif de chercheurs travaillant sur les papyrus égyptiens et grecs du fonds Jouguet de la Sorbonne, mais aussi sur d’autres collections papyrologiques en France ou ailleurs.

 Sonia Syllac, chargée de valorisation à Ausonius.

 

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